Les cours martiales ont été instaurées pendant la dernière phase de l’Etat de Vichy, «  dernier Vichy » ou « Vichy milicien ».

Elles sont placées directement au service de l’exécutif. La loi du 20 janvier 1944 stipule que «sont déférés aux cours martiales les individus, agissant isolément ou en groupe, arrêtés en flagrant délit d’assassinat ou de meurtre, de tentatives d’assassinat ou de meurtre commis au moyen d’armes ou d’explosifs pour favoriser une activité terroriste». Celui-ci informe le SGMO qui désigne par arrêté les 3 membres de la cour martiale. Celle-ci juge immédiatement, sans instruction judiciaire et l’inculpé n’a droit ni à un avocat ni à aucun recours. Il n’y a que deux choix, la condamnation à mort ou la déclaration d’incompétence. Dans ce cas, l’accusé est remis entre les mains du procureur qui l’intègre dans la justice d’exception classique. Le jugement est exécutoire immédiatement par fusillade. Le peloton d’exécution est composé d’hommes du SGMO ou de gendarmes GMR. Le corps du supplicié est enterré dans une fosse commune. C’est le préfet régional qui assure la logistique. Les cours martiales ne siègent pas dans les palais de justice mais souvent près des lieux d’exécution, notamment les prisons.
Mis à part quelques réactions individuelles, il n’y a pas eu d’opposition marquée aux cours martiales. Il faut cependant citer la démission de l’intendant de police de Marseille Robert Andrieu en janvier 1944 qui a obligé à changer la loi et à prévoir que ce sont ceux qui arrêtent en flagrant délit qui avertissent le SGMO et le refus collectif en juillet 1944 de former un peloton par les gendarmes de Nîmes. Le corps judiciaire, par sa passivité et sa soumission, a admis la création des cours martiales. Darnand, secrétaire d’Etat au Maintien de l’Ordre, ancien juge à Lyon, a su s’entourer de juges jusqu’au-boutistes du régime pour faire fonctionner la cellule « juridique  » de son cabinet et aussi de la majorité des préfets et des intendants de police organisateurs de la répression. Il est même intervenu lorsque les procédures prévues n’étaient pas bien respectées. Peu de juges ont participé aux cours martiales dont les membres étaient souvent des miliciens et d’autres fanatiques du régime de Vichy ou issus du cabinet de Darnand. Elles ont condamné au moins deux cent résistants. Ces exécutés sont en majorité des jeunes hommes des maquis ou de la guérilla urbaine ainsi que des choisis « pour l’exemple » des mutineries de la Santé et d’Eysses. Le plus jeune a presque 18 ans et le plus âgé 46 ans, l’âge moyen est de 26 ans. Les cours martiales ont siégé dans toute la France à l’exception de la Normandie et de la zone annexée du nord de la France. On trouve leurs traces dans 13 villes de la zone sud et dans 14 villes de la zone nord.
Contrairement aux idées répandues, les cours martiales sont une émanation de l’Etat de Vichy et leur fonctionnement très encadré laisse peu de place aux initiatives personnelles. Elles sont le dernier étage de la justice d’exception mise en place en 1941 (voir les deux derniers numéros de Châteaubriant).
Comme Virginie Sansico – dont les publications ont servi de trame à ce court article – il faut changer notre vocabulaire et les nommer «cours martiales du secrétariat général au maintien de l’ordre» plutôt que «cours Martiales de la milice».
Comme elle, il faut souhaiter que, malgré la destruction des archives, ces cours Martiales soient davantage étudiées par les historiens.

Jean Darracq

Source : Virginie Sansico, La justice du pire, les cours martiales sous Vichy, éditions Payot