Les motifs des condamnations à mort sont, pour 8 condamnés sur 10, l’appartenance à une organisation clandestine de Résistance puis la détention d’arme pour un fusillé sur 10. Les 10% restants se partagent entre les droits communs, la résistance « civile », le communisme. Les condamnés pour appartenance à une organisation clandestine sont à 80% membres d’un mouvement et 20% membres de réseaux. Les fusillés d’août et début septembre 1941, au Mont Valérien, illustrent bien cette répartition. Il s’agit de René Marius, Alfred Ottino, Jean Louis Rapinat, Raymond Lucien, Justice André, Marcel Sigonney qui ont participé à une manifestation communiste et ont été fusillés le 26 août. Jean Philippe Baillet, fusillé le 27 est un des fondateurs de l’Os, responsable communiste de l’Ouest parisien. Henri-Louis Honoré d’Estienne d’Orves, officier de marine, Jean Louis Doornik, officier néerlandais, Maurice Barlier sont exécutés le 28 et le 29. Ils sont membres du réseau Nemrod infiltré par un agent de la Gestapo. Le suivant, le 3 septembre, est Herman Kalcsik, autrichien officier républicain en Espagne condamné pour « haute trahison » fusillé sous une de ses fausses identités Dorian-Hartung. Le 5 septembre, c’est Jean Constant Bourgeois industriel normand, membre du réseau Pat O’Leary qui organise le rapatriement d’aviateurs britanniques. Le 6 septembre, suivent 3 otages, Eugène-Henri Anjubault, Edmond Brucker, Jean-Marie Meichler. Leur choix illustre parfaitement la politique des otages. Eugène-Henri Anjubault est militant syndicaliste communiste, Edmond Brucker est juif et franc-maçon, arrêté sur dénonciation après une altercation avec un collabo, Jean-Marc Meichler est membre de la IVe internationale trotskiste. Ces fusillés ont des engagements divers, d’Honoré d’Estienne d’Orves, royaliste, militant catholique jusqu’à Jean-Marie Meichler trotskiste et Eugène-Henri Anjubault, communiste en passant par Edmond Brucker, franc-maçon et juif et d’autres qui n’étaient pas engagés. À noter également que dans cette liste figurent deux étrangers, le Néerlandais Jean-Luis Doornik et l’Autrichien Herman Kalcsik.

L’objectif des fusillades est aussi de terroriser la population pour qu’elle ne s’engage pas dans la Résistance. La question se pose pour les occupants de rendre ou non publiques les fusillades. L’information par voie d’affiche ou par la presse varie avec le temps et en fonction de l’analyse de la situation « au jour le jour ». Par exemple, les fusillades de Châteaubriant sont rendues publiques alors que celles de Souge ne le sont pas. Dès l’automne 1941, les autorités allemandes doutent de l’efficacité des exécutions comme exemple. Elles produisent l’effet contraire et en plus de l’impopularité croissante, elles ont tendance galvaniser la Résistance. Courant 1942, c’est l’organisation des « procès spectacle » publics. Leur objectif est de déconsidérer les accusés et de vanter la justice allemande.

Deux grands procès ont lieu au Palais Bourbon et à la Maison de la Chimie. Parmi les accusés de ces deux procès, les jeunes communistes des Bataillons de la Jeunesse complétés à la Maison de la Chimie par des accusés plus âgés de l’Organisation Spéciale du PCF auxquels il faut ajouter les époux Lefebvre dont l’habitation sert de dépôt d’armes. Ces procès ont lieu dans la salle des fêtes du Palais Bourbon et dans une grande salle de la Maison de la Chimie du 18 au 24 février et du 4 au 8 mars. Karl Heinrich Stüpnagel assiste au procès du Palais Bourbon et une partie des débats de la Maison de la Chimie est filmée.
À l’issue des procès, les 7 prévenus du palais Bourbon sont condamnés à mort ainsi que 25 des accusés de la maison de la Chimie sur 27. Tous sont rapidement exécutés. Les peines de mort des deux femmes, Simone Schloss et Marie Thérèse Lefebvr,e sont commuées. André Kirshen qui a 15 ans est condamné à 10 ans de réclusion et P. Lefebvre à 5 ans. Simone Schloss est guillotinée à Cologne le 17 juillet 1942 et les époux Lefebvre survivent à la déportation et André Kirschen à la prison.

En 1944, une dernière opération spectaculaire à partir des fusillés est organisée. C’est l’Affiche Rouge qui s’attaque aux « terroristes » étrangers autour de Manouchian et distingue les juifs d’Europe centrale, les communistes italiens, les rouges espagnols… Nous sommes en 1944 et cette opération est ratée, l’affiche est lacérée, surchargée, et de nombreuses publications encore clandestine prennent le contre-pied en les glorifiant.

REPÈRES POUR LES FUSILLÉS CONDAMNÉS à MORT ET LES OTAGES

1939
26 septembre : décret Daladier interdisant les «organisations communistes» en France

1940
9 avril : décret Sérol, peine de mort pour les activités communistes
17juin : Pétain demande l’armistice
17 juin : appel à la Résistance de Charles Tillon (PCF) à Bordeaux
18 juin : appel de Charles de Gaulle à la Résistance à Londres.
22 juin : signature de l’armistice à Compiègne
04 juillet : fusillade d’André Achavane à Rouen
Juillet-Août : Formation du réseau du Musée de l’Homme
21 août : André Bekaert premier fusilléde la zone nord
3 octobre : premier statut des juifs du gouvernement de Vichy
23 décembre : fusillade de Jacques Bonsergent

1941
Mai 1941 : procès du réseau Nemrod
2 mai-10 juin : grève des 100 00 mineurs des houillères du Nord-Pas-de-Calais
22 juin : l’Allemagne envahit l’URSS
21 août : attentat du métro Barbès par le futur colonel Fabien, l’aspirant Moser est exécuté
23 août : decret allemand considérant tous les français arrêtés comme otages
24 août : création des Sections spéciales et du Tribunal d’Etat début septembre
28 août : 3 guillotinés, premiersotages : Emile Bastard, André Brechet et Abraham Trzebrucki
16 septembre : ordre de Keitel : fusillade de 50 à 100 otages pour un soldat allemand tué
28 septembre : le code des otages précise les peines répressives en fonctiondes actes commis, de la fusillade à des peines de prison. Il ne sera pas respecté
19 octobre : attentat de Nantes 50 otages exécutés à Châteaubriant, Nantes, Romainville
21 octobre : attentat de Bordeaux, 50 otages sont exécutés à Souge le 24 octobre
22 novembre : procès du réseau de la Confrérie Notre-Dame
7 et 12 décembre : décret « Nuit et Brouillard » sur la déportation ds résistants
15 décembre : 95 otages sont fusillés au Mont Valérien (69), à Caen (13), à Châteaubriant La Blisière (9), à Fontevraud (4) pour les attentats de novembre et décembre

1942
27 mars : premier convoi de déportés juifs
5 mai : Oberg général SS arrive en France pour durcir la répression.
Juin 1942 : la répression passe de la Wehrmacht à la police
6 juillet 1942 : convoi « des 45 000 » de déportation des prisonniers politiques,
10 juillet : décret sur la fusillade des familles de résistants et leurs enfants
5 août : attentat du stade Jean Bouin, 88 otages fusillés au Mont Valérien
11 août : attentat du cinéma Rex, deux morts, 17 blessés
21 septembre : exécution de 116 otages, 70 à Souge et 46 au mont Valérien
21 septembre : procès de résistants à Rennes
24 septembre : autorisation du régime de Vichy des réquisitions pour le travail en Allemagne
11 novembre : occupation de la zone sud par les Allemands et les Italiens

1943
fin janvier 1943 : procès de 45 communistes à Nantes
30 janvier : création de la Milice
2 février : victoire soviétique à Stalingrad
16 février : création du STO par le régime de Vichy
27 mai : première réunion du CNR
21 juin : arrestation de Jean Moulin
3 septembre : débarquement en Italie
9 septembre-4 octobre : Libération de la Corse
28 septembre : Julius Ritter, responsable du STO, est abattu par les FTP-MOI
2 octobre: fusillade de 50 otages au Mont Valérien dont 15 gaullistes. C’est la dernière exécution de la « politique des otages »

1944
20 janvier : institution des cours martiales du Secrétariat Général au Maintien de l’Ordre de Vichy
1er février : création des FfFI3 février : ordre Sperrle ; Les fusillades par l’armée sans procès sont autorisées
19-20 février : insurrection de la centrale d’Eysses
6 juin : débarquement de Normandie
15 août : débarquement de Provence
Juin : lutte contre les maquis des allemands épaulés par la milice et les GMR
17 août : dernier convoi de déportés juifs
18-19 août : libération de Paris
23 novembre : libération de Strasbourg

1945
8 mai : capitulation de l’Allemagne
2 septembre : capitulation du Japon

BILAN
Fusillés condamnés à mort et otages (Maitron des fusillés 1940-1944)
Fusillés après condamnation à mort : 3 100
Otages : 814
Total : 3 914