C’était il y a tout juste 60 ans. Ce matin du 6 mars 1957, à 6h30, Claude Marty est arrêté par la police et emprisonné. Qu’a fait ce jeune homme de 20 ans pour se retrouver en prison, bientôt à Fresnes ? Rien de grave : simplement, comme quelques 150 jeunes Français en âge d’effectuer leur service militaire, il a informé le Président de la République René Coty qu’il était prêt à servir la France, mais pas sous les ordres d’un général hitlérien, le général Hans Speidel.

Au fil des mois d’autres jeunes vont rejoindre Claude, pour certains avec lui à Fresnes, pour d’autres à Metz, et pour les six derniers au Maroc. Un grand mouvement va se développer en France, notamment dans tous les milieux de la Résistance jusqu’au jour où le Ministre de la Défense Nationale, Jacques Chaban-Delmas, reconnaîtra le mobile hautement patriotique de ces jeunes et leur proposera d’effectuer leur service militaire dans les territoires d’outre-mer, hors du champ d’action de Speidel. Victoire morale, certes, mais… Speidel restera en place encore quelques temps jusqu’à ce que le général De Gaulle, revenu au pouvoir, obtienne son départ.

À l’initiative du Bureau national de l’ANFFMR, avec le soutien de quelques « spédeliens » survivants, une rencontre a donc eu lieu à Bagneux, dans la ville où Claude Marty a vécu et travaillé avant d’être victime d’un accident de travail qui lui coûtera la vie. Sa soeur, Micheline, ses filles et une de ses nièces étaient présentes, ainsi que l’ARAC, le Secours Populaire et la FNDIRP. Cinq anciens de l’affaire, Jean Darracq, Jean-Claude Faipeur, Claude Guedj, Francis Vion et Bernard Néplaz participaient également à cette rencontre qui permit de découvrir l’exposition réalisée par le Musée National de la Résistance de Champigny, le livre de Jean-Claude Faipeur consacré à l’affaire sous le titre Crime de fidélité (que l’auteur put dédicacer à cette occasion) et un documentaire de René Vautier, Un général revient. Deux autres acteurs de l’affaire sont intervenus dans le débat : Roland Weil, qui anima le collectif d’avocats des 23 emprisonnés, et Léon Landini, qui accueillit les libérés de Fresnes à Fréjus, avant qu’ils ne rejoignent l’Afrique. Mme Desfaoux fit une intervention, en tant que représentante du Secours Populaire, qui joua un grand rôle dans la défense des emprisonnés. L’assemblée fut saluée par Marie-Hélène Amiable, maire de Bagneux.

Au cours des interventions, il fut naturellement question de la révolte morale de ces jeunes parfois emprisonnés dans la même prison qu’avait connue leur père avant de prendre le chemin du peloton d’exécution ou d’un camp de la mort. Et puis il fut question de l’assujettissement de la France à l’OTAN et donc des USA, perte d’indépendance supprimée quelques années plus tard par le général De Gaulle, mais hélas remise en l’état avec les conséquences que l’on connaît aujourd’hui. Faut-il préciser que les personnes présentes suivirent avec attention les débats, une découverte pour les plus jeunes, un retour sur leur jeunesse pour les plus anciens.

Toute l’équipe des « spédéliens » est prête à répondre à l’appel de ceux, élus ou responsables d’associations, qui souhaiteraient organiser une telle rencontre dans leur secteur.

Bernard NEPLAZ