De nombreux articles ont été écrits sur la police alors que la gendarmerie est restée longtemps dans l’ombre. Pourtant, elle a joué un rôle important dans la répression au service de Vichy et des nazis.

Forte de 50 000 hommes répartis sur l’ensemble du territoire, la gendarmerie a participé aux arrestations des résistants et les a livrés aux Allemands, elle a également gardé les camps d’internement, été active dans les rafles, notamment celle du Vel d’Hiv et a même fourni des pelotons d’exécutions aux cours martiales. Cette obéissance massive aux ordres du régime de Vichy s’explique par le statut militaire de l’arme, l’encasernement des gendarmes, leur situation familiale, leur âge…
En 1940, la gendarmerie, force militaire, a failli disparaître. Si elle a été maintenue c’est parce que les Allemands y ont vu leur intérêt dans le contrôle de la population et l’ont étroitement surveillée en zone occupée jusqu’en novembre 1942 puis sur toute la France ensuite. L’obéissance, voire la servilité sont plus fortes chez les gradés que chez les simples gendarmes. Elles varient dans le temps. On distingue trois périodes : forte jusqu’en 1942, elle est remise en question en 1942-1943, moment où les personnels se posent des problèmes de « conscience  ». Les comportements d’allégeance totale à Vichy et aux Allemands ou de résistance s’affirment. Après le débarquement, une partie de la gendarmerie rejoint la Résistance ou l’armée française et une autre partie reste fidèle à Vichy. Ces derniers choix collectifs souvent sur « ordre  » de la hiérarchie.
L’épuration dans la gendarmerie n’a pas été importante, d’autant plus qu’elle a été suivie d’amnisties, de réintégration et de l’engagement pour un certain nombre de gendarmes dans le corps expéditionnaire de la guerre d’Indochine. Par exemple, sur 1 300 officiers, 98 ont été mis en disponibilités. Il y a eu 171 enquêtes et 30 déplacés. Les « donneurs d’ordre » du haut commandement ont été moins sanctionnés que les exécutants. C’est pourquoi il faut rendre un hommage spécial aux gendarmes qui ont résisté. D’après Pierre Accoce, 10 officiers et 328 sous-officiers et gendarmes ont été fusillés par les Allemands, 46 officiers et 1 325 sous-officiers et soldats ont été déportés. 22 officiers déportés et 431 sous-officiers et soldats sont morts. Les exemples de Jean Vérines et André Guilbert témoignent de cette résistance

Né à Brive-la-Gaillarde le 16 avril 1894, Jean Marie Alexandre Vérines participe à la guerre de 1914-18 où il sera blessé en juin 1915 et avril 1917.
A la fin de la guerre, il intègre l’école des officiers de la Gendarmerie nationale. Chef d’escadron en 1937, il commande le 3e bataillon de la Garde républicaine à Paris. En août 1940, il entre en résistance dans le réseau «Saint-Jacques» de Maurice Duclos. C’est le premier réseau gaulliste opérant en France occupée. C’est un réseau de renseignement et de passage de la ligne de démarcation. Il est en grande partie démantelé suite à une trahison en août 1941. Jean Vérines est arrêté début octobre. Les militaires officiers sont jugés en Allemagne. Condamné à mort, il est fusillé le 20 octobre 1943 à Cologne. Son nom est donné en 1947 à la caserne Prince Eugène, place de la République, où il a résisté.

André Guilbert est né le 21 mai 1916 à Hardifort (Nord). Muté à Vire en juillet 1943, il entre au réseau Arc-en-Ciel en septembre 1943 comme agent P2 (grade de sous-lieutenant des FFC). Il est révoqué en janvier 1944. Début 1944, les Allemands le surveillent. Il est arrêté le 2 mars 1944 à la suite d’une trahison. Il est transféré à la prison de Caen le 7 mars. Il passe le 10 mai devant la cour martiale qui le condamne à mort. Fusillé à Caen le 17 mai 1944 avec Edouard Fizel (23 ans), Gabriel Schuh (22 ans), Henri Bossu (20 ans), tous membres du réseau Arc-en-Ciel. Son nom a été donné à une promotion de l’école de gendarmerie du Mans. Son parcours témoigne aussi de la présence de gendarmes fortement engagés avec le régime de Vichy et de la mansuétude de l’épuration. Sa femme, mère de deux enfants, vient implorer son ex-supérieur, le lieutenant Quicray pour le sauver en lui disant «  qu’il avait déjà un pied dans la tombe ». Celui-ci lui répond : « Oui, il aura bientôt le second ».
Condamné à mort par la justice anglaise, Quivray est gracié par la justice française et sa peine commuée en deux ans d’indignité nationale.

Jean DARRACQ