L’école Hôtelière de Thonon a participé à la Résistance D’abord, Monsieur Armand Antonietti qui en a été l’âme avant d’être torturé ici même, dénoncé par l’un de ses élèves indicateurs de la Gestapo. Armand Antonietti s’évadera de l’hôpital d’ Annecy où il avait été transféré avec la complicité de son propre fils et de Monsieur Marmoud, l’un de ses collègues mais aussi aux enseignants comme Madame et Monsieur Jean Peccoud, Messieurs Ravinet et Peray, des élèves comme Roland Parchet, Henri Carisey. Deux jeunes élèves juifs Oswald Jacobbi et Isidore Aron, sont disparus dans les camps de la mort. Elle a aussi été un lieu de massacres
Début 1944 : la répression s’intensifie, c’est la chasse aux maquisards, aux Résistants sédentaires, ouvriers, paysans, pêcheurs, boulangers, fromagers, qui ravitaillent le maquis et à tous ceux qui les soutiennent. L’Ecole hôtelière, réquisitionnée par la Milice, cette formation paramilitaire française créée par le gouvernement de Pétain, renforcée par les G.M.R., groupes mobiles de réserve devient le poste de commandement des forces dites du « maintien de l’ordre ».
Cette milice va semer la terreur dans les villes et villages du Chablais. Ils emmènent certains de leurs prisonniers à la Grange Allard repaire de miliciens à Allinges au-dessus de Thonon, où commencent les tortures puis dans les caves du Savoie-Léman
Des témoins parlent. Edmond Boujard va sur ses 18 ans quand il est arrêté par la milice lors de l’attaque du poste de commandement des Francs-Tireurs et Partisans, les F.T.P., installé à Féternes. Amené avec 32 habitants de ce village il se retrouve dans les caves de l’Ecole-Hôtel où s’entasse déjà une quarantaine de prisonniers. Il raconte : « Nous sommes restés debout toute la nuit avec les mains sur la nuque et nous avons vu notre camarade Flandin, ramené, agonisant, à la cave, où il devait mourir le 21 vers trois heures du matin. Il avait été torturé devant sa femme jusqu’à ce que mort s’ensuive. Il n’a pas fléchi. »
Puis il poursuit, évoquant le sort d’Ange Angeli, maquisard fait prisonnier par les Miliciens lors du combat qui a opposé toute la journée du 22 février 12 maquisards F.T.P. dans leur chalet de Foges au-dessus de Lully, à une bonne centaine de ces miliciens : « Ange, blessé à la jambe, est attaché à un radiateur, les mains liées, et frappé avec les bords d’assiettes, car frapper à plat ne fait pas assez mal. » Louis Donche d’Allinges, membre de la compagnie F.T.P. 93-07, évoque lui aussi la mort de Maurice Flandin: « Il fut torturé 24 heures par les sbires de la Milice et des G.M.R. Les membres brisés, il ne parla pas ! Il mourut dans les caves du Savoie-Léman, en présence de sa femme et de nous-mêmes, restés impuissants. »
Louis Ruffin, d’Evian, membre de la compagnie F.T.P. 93-12, témoigne : « La milice m’a arrêté sur le seul fait que j’étais militant de la C.G.T. Arrivé à la Grange-Allard ils m’ont bastonné. Le lendemain ils m’ont descendu à l’Ecole hôtelière. J’ai été torturé par la brigade des droits communs libérés de la prison de Poissy. Ils avaient tous les droits. Ils me mettaient sur une table, menottés, jambes tenues par mes tortionnaires, une serviette sur la bouche, les coups de nerfs de b?uf, d’un bâton avec des snions, (branches élaguées en laissant des pointes). Au bout d’un moment de ce traitement je m’évanouissais. Ils me versaient alors du vinaigre dans les yeux pour me réveiller. Tu connais des Communistes me criaient-ils. »
Armand Antonietti évoque maintenant le sort de Marius Bouvet son camarade de combat : «Le pauvre Bouvet, il avait vieilli de trente ans : le sang faisait croûte sur son pantalon…Il saigne de partout. Ils l’ont laissé attaché sans manger un jour à un radiateur ; ils lui faisaient ouvrir la bouche et lui crachaient dedans. »
Le 25 février, une cour martiale milicienne venue d’Annecy, condamne à mort 6 F.T.P., jugement expéditif, sans avocat, sans appel possible : Ange Angeli, 22 ans, de Corse, Marius Bouvet, 42 ans, de Margencel, Jean Genoud, 22 ans de Douvaine, André Grépillat, 20 ans, de Maxilly, Jean Tailleu, 19 ans de Paris, René Trolliet, 24 ans d’Allinges.
Le père Cartier et le pasteur Westphal vont assister à la dernière nuit des condamnés. Le frère Milleret reçut du père Cartier quelques jours après cette terrible nuit passée dans les caves de l’Ecole hôtel avec les Résistants du Chablais cette terrible confidence que j’ai reçue le 6 janvier 1998 du frère Rosset, ancien professeur au lycée-collège St Joseph.
« L’état des jeunes pour plupart était indescriptible…. A leur vue, ?il crevé, mâchoires et dents brisées, plaies ouvertes dans le visage et le cuir chevelu , etc… et le prêtre failli s’évanouir, il dut s’asseoir avoua-t-il. Inutile de préciser que ces victimes de la brutalité et du sadisme gisaient à terre.
Le père passa la nuit à les entendre, à leur parler, à recevoir leur dernier message à leur famille.
Au matin, vers sept heures, il les accompagna à la cour où les G.M.R. les fusillèrent, on devrait dire plutôt les achevèrent, car certains furent traînés sur le lieu de leur exécution.
Plus loin le prêtre parlant de cette exécution emploiera l’expression de « boucherie de l’Ecole hôtelière ».
Pour leurs camarades, ce sera soit le poteau d’exécution en d’autres lieux ou la déportation pour 75 d’entre eux dont 38 ne reviendront pas de ces camps de la mort.
En 1967, M Antonneti constate :23 ans déjà se sont écoulés depuis l’époque douloureuse qui nous préoccupe. Que reste-t-il de ces nobles actions, de ces actes d’héroïsme ? Beaucoup dans la chair et la mémoire de ceux qui eurent un rôle actif dans la création et la continuation des maquis dans nos vallées… Mais pour les autres ? Des souvenirs pénibles, des heures de peur, d’angoisse, mais généralement un oubli indifférent… Des arrestations ? Des tortures à Thonon ? On ne sait pas…»
En 1989 les 660 élèves sont là pour l’allocution de Jacqueline Néplaz-Bouvet , trame de cet article, en présence de leurs professeur, notamment Gérard Capon un « passeur de mémoire » tous deux membres de notre association.
Jacqueline NEPLAZ-BOUVET