Le 24 mai 1920 à Mernier (Jura), il aurait eu cent ans le 24 mai 2020… mais qui était-il ?
Un jeune acteur au talent prometteur. Celles et ceux qui ont eu la chance de voir le film de Julien Duvivier « Poil de carotte » ou « Sans famille » de Marc Allégret ont eu la révélation d’un comédien au visage d’ange mais au caractère bien trempé, épris de liberté.
Entre les deux guerres, très sollicité, il côtoie de grands acteurs comme Harry Baur, Jean Gabin, Louis Jouvet, Arletty… sous l’œil bienveillant de sa maman, Milred. Il tourne son dernier film à Gruissan, « Cap au large », en 1942. Robert Lynen, malgré sa jeunesse, marquera 14 films de son empreinte. Il refuse toute collaboration avec la « Continental », maison de production allemande. Un choix décisif : il n’accepte pas la capitulation de Pétain et crée à Marseille avec son beau-frère Pierre Hennequier, déjà farouche anti-franquiste, une entreprise « Azur-Transports », couverture pour leurs activités résistantes.
Il rejoint fin 1941 le puissant réseau «Alliance» (appelé bientôt « Arche de Noë »* par l’occupant) dirigé par l’intrépide Marie-Hélène Fourcade. Devant choisir lui-aussi un nom d’oiseau, «l’Aiglon » lui convient : ce sera le « fougueux Aiglon ». Son métier d’acteur lui facilite la tâche d’agent de liaison. Avec Assia, sa compagne, ils séjournent à Cassis, au château de Foncreuse, accueillis par leur ami irlandais, Robert Vernon.
Trahis, ils seront arrêtés par la Gestapo, en février 1943 et transférés à la prison Saint Pierre de Marseille : Assia sera libérée au printemps. Pour Robert, là, commence son calvaire. Un plan élaboré par ses camarades de Résistance pour son évasion échoue : la veille de l’attaque, Robert est embarqué pour Paris. Toujours aux mains de la Gestapo, il subit de terribles tortures avant d’être déporté en Allemagne, à la forteresse de Bruchsal, près de Karlsruhe. Un témoin écrit à Milred : «Votre fils était facilement reconnaissable car il était le plus grand et ne manquait jamais une occasion de faire rire ses compagnons d’infortune».
Condamnés à mort par un tribunal nazi à Karlsruhe, le 1er avril 1944, tombent, fusillés, 14 membres d’Alliance : Robert Lynen, 23 ans le plus jeune, chante La Marseillaise.
À la Libération, Marie-Madeleine Fourcade, inlassablement, recherche ses camarades massacrés en Allemagne. Ainsi, le corps de Robert sera rapatrié. Il repose dans le carré militaire, au cimetière de Gentilly.
En 1967, la ville de Paris rend hommage à cet artiste-résistant en baptisant la cinémathèque de la ville du nom de Robert Lynen. A travers sa filmographie, faisons revivre la mémoire de cet artiste-résistant, symbole de cette jeunesse qui a tout sacrifié pour notre liberté.
Jacqueline Bouvet-Néplaz

(*) « L’Arche de Noë a été le plus important réseau de renseignements militaires de la guerre à lOuest » (C/O Fayard. Madeleine Fourcade) François Charles : Vie et mort de Poil de carotte, Robert Lynen, Éditions La Nuée Bleue)