La résistance à l’oppression prend souvent naissance et se développe au sein des familles : une mère, un père, des sœurs, des frères s’engagent côte à côte. Stèles et monuments en conservent les traces. Les cérémonies commémoratives en ravivent les souvenirs.

La seconde Guerre Mondiale a durement éprouvéla famille fondée au début du XXème siècle près de Rochefort en Charente-Maritime (on disait alors Charente Inférieure) par Amédée Jamain et Jeanne Magnaux. Amédée était ouvrier forgeron-maréchal-ferrant, Jeanne femme au foyer. Ils eurent dix enfants. Les biographies de plusieurs d’entre eux et de leurs conjoints ou proches parlent de Résistance dès la fin de 1940.

Né en 1897, le frère de Jeanne, Alphonse Magnaux, combattant de « 14-18 », était cheminot syndicaliste et communiste. Fin 1940, il participe à la reconstitution clandestine du Parti communiste. Arrêté dans la nuit du 31 décembre 1942, condamné à mort, il est exécuté au stand de tir du « Polygone » à Rochefort, le 11 mai 1943. Son fils Roger, capitaine FFI, né en 1924, participera à la libération de la Dordogne.
En 1941, Maurice Chupin est responsable interrégional, à la fois de l’OS (Organisation spéciale) et des FTP (Francs-Tireurs et Partisans), deux formations proches du PCF. Il épouse la sœur de ses camarades Jamain, Yvette. Elle a 21 ans et lui 23. Il est arrêté à Rochefort, le 13 mai 1943 par la Section des affaires politiques de Poitiers. Le tribunal militaire allemand de cette ville le condamne à mort avec 7 autres Résistants dont son jeune beau-frère, Gilles. Ils sont fusillés près de Poitiers, à la Butte de Biard.

Né en 1925, Gilles Jamain, « le grand rouquin », suit les traces de ses aînés, frères et sœurs. En 1941, avec deux jeunes de son âge, ils forment un groupe FTP de protection des unités de sabotage. Ils reproduiront l’expérience avec d’autres, sous la houlette de Chupin. Gilles est arrêté par la Milice, le 14 mai 1943, après une traque de 4 jours. Torturé, condamné à mort par le tribunal militaire allemand, il tombe sous les balles nazies, Butte de Biard. Il n’avait que 18 ans.
Ayant confié son fils à ses beaux-parents, sa sœur Yvette, épouse Chupin, devient agent de liaison du Front national de lutte pour la Liberté et l’Indépendance de la France (FN) et participe à l’organisation et au ravitaillement des maquis du Sud-Ouest (Gironde, Landes, Pays Basque). Revenue en Charente-Maritime à la Libération, elle reprend ses activités militantes, y ajoutant, de longues années durant, sa participation aux travaux de mémoire en milieu scolaire et associatif (ARAC et FNDIRP notamment).

Né en 1915, René Jamain crée, à 20 ans, le Cercle marxiste puis les Jeunesses communistes de Rochefort. Artilleur en juin 1940 dans le Doubs, son unité est encerclée. Il passe en Suisse et ne regagne la France qu’en février 1941.
Membre de la direction des FTP et du Front national de Rochefort, il est arrêté le 8 juillet 1942 et interné à Compiègne où 2 de ses frères le rejoindront très vite avant déportation à Oranienburg-Sachsenhausen.
Matricule 58024, René est affecté au kommando peignant les avions Heinkel 117. Suite à un sabotage, 27 détenus sont fusillés sur place ; 140 autres sont menés hors du camp. René est de ceux-là. Il est abattu en un lieu inconnu (date officielle : 14 décembre 1944).

Né en 1913, André Jamain, l’aîné de la fratrie, adhère au Parti communiste à 20 ans. Marié à Madeleine Manusset, père de 4 enfants, il est mobilisé et fait prisonnier. Il revient à Rochefort en 1941 et s’engage dans la Résistance (propagande – armes – munitions). En septembre 1942, des tracts affichés à Rochefort invitent à commémorer la Bataille de Valmy et la proclamation de la 1ère République (20 septembre 1792). Soupçonnés d’être les auteurs de cet appel, André et Paul Raymond Jamain sont arrêtés et déportés en même temps que René.

André (Matricule 58111) devient l’un des responsables de la résistance clandestine du camp d’Oranienburg-Sachsenhausen dont l’évacuation par les nazis, en avril 1945, est une « marche de la mort » au cours de laquelle Paul Raymond porte son frère. Les Soviétiques les libèrent le 9 mai. André, rapatrié par avion, transféré à Rochefort, parvient chez lui dans un état lamentable. Il meurt à l’hôpital le 25 juillet.

Né en 1918, Paul Raymond Jamain adhère aux Jeunesses communistes en 1935. Mobilisé, il garde un parc de matériel militaire jusqu’en février 1941. Revenu chez lui avec quelques armes, il rejoint les réseaux communistes clandestins (propagande – déraillements – renseignements sur les mouvements de la marine nazie à La Rochelle-La Pallice). Dans le cadre de « l’affaire de Valmy », évoquée au sujet d’André, Paul Raymond dit être le seul auteur du « délit »… Les 3 frères Jamain se retrouveront néanmoins à Oranienburg-Sachsenhausen.

Paul Raymond (Matricule 58113) participe au comité clandestin de résistance. Blessé lors d’un bombardement allié, il est soigné par un détenu, chirurgien français. À l’issue de la « marche de la mort », André pris en charge et parti vers Paris, Paul Raymond est hospitalisé à Prague pendant 2 mois.

En 1946, dans un sanatorium de Bagnères-de-Luchon, il rencontre Léone Baugé. Ils se marient en 1947. Artisan plâtrier à Châtellerault (Vienne), Paul Raymond reprend ses activités militantes avec vigueur : au PCF, à la FNDIRP (Comité national jusqu’en 1990), à l’Amicale Oranienburg-Sachsenhausen, au bureau national de la Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment… Il est de ceux qui vont témoigner dans les établissements scolaires.

Une foule très dense lui a rendu hommage au cimetière Saint-Jacques de Châtellerault, le 10 janvier 2014.
Léone Baugé, née en 1921 dans une famille de cultivateurs d’Indre-et-Loire, rejoint l’Organisation Spéciale en octobre 1940. Son fiancé, ouvrier à Cenon-sur-Vienne, est déporté à Auschwitz en 1941. Usineuse à la Manufacture d’armes de Châtellerault, elle est de celles qui glissent des tracts dans les boîtes à outils à l’usine, dans les boîtes aux lettres en ville… et qui chantent La Marseillaise face aux mitrailleuses nazies, le 26 novembre 1942 – jour de grève à la « Manu ».

Arrêtée le 18 février 1943, emprisonnée à Poitiers, elle passe par Compiègne et aboutit à Ravensbrück. À l’évacuation du camp, en avril 1945, elle s’évade.

En 1946, elle rencontre Paul Raymond Jamain

Elle est décédée à Maisons-Laffitte (Yvelines), le 27 septembre 2007.

J.C.