CHATELLERAULT – 2012

Châtellerault, 8 mai 2012 : « La Manu »

Le jour anniversaire du 8 mai 1945 a été marqué à Châtellerault (Vienne), par une série de commémorations officielles ; ainsi, en dépit de la pluie, drapeaux en tête, les autorités civiles et militaires suivies d’une foule dense, firent halte, au cours de la matinée, dans l’une des cours de l’ancienne manufacture d’armes de la ville, « La Manu » – chère aux cœurs de ses ouvrières et ouvriers, les Manuchardes et Manuchards… et aussi des Châtelleraudais. Il s’agissait, ce matin-là, suite à la requête de la FNDIRP et de l’AFMD, de dévoiler la plaque portant le nom d’un espace public dédié aux « Résistantes et Résistants de la Manufacture ». La parole fut donnée à Madame Renée Moreau, ancienne « ouvrière-en-résistance » de la Manu, Déportée à Ravensbrück, à qui nous rendons hommage pour sa vie de luttes…et que nous remercions pour nous avoir autorisés à reproduire ici son témoignage :

« Chers amis, chers Camarades,

Ce 8 mai, en inaugurant cette place des Résistants, c’est aussi rendre hommage à tous les combattants de la Liberté. Aujourd’hui, nous retrouver ici, à la manufacture est pour nous, anciens manuchards, tout un symbole – un symbole aussi, pour l’ensemble du pays châtelleraudais. Pour moi, les murs de cette « manu » sont porteurs d’histoire, une histoire patriotique, en particulier pendant la guerre 39/45.
Tout devint tragique, insupportable, lorsque le 23 juin 1940, l’armée allemande occupe notre ville, la manufacture est réquisitionnée, son personnel contraint d’obéir aux ordres de l’occupant avec la complicité du directeur français. Ces brimades étant de plus en plus intolérables, il faut savoir dire : Non ! Non, à l’inacceptable. Il faut Résister ! Résister contre l’occupant, Résister contre le nazisme.
Dans la région, « la manu », est l’un des foyers de la Résistance, le plus important. Dès octobre 1940, les Résistants organisent des actions très fortes. L’une des plus remarquables a lieu lors de la réquisition des ouvriers, pour aller travailler en Allemagne. La réaction des Résistants est immédiate, ils déclenchent une grève. C’est le 26 novembre 1942, à 15 heures, partant de l’atelier 39-39 bis, Marcel, résistant F.T.P. (il est là, tout près) coupe le disjoncteur électrique. Toutes les machines s’arrêtent ! Ouvriers et ouvrières sortent des ateliers et défilent dans les artères de la manu en scandant « Non aux réquisitions ! Non au S.T.O ! » Les grévistes se regroupent devant les bureaux des directeurs allemands et français, quand soudain, éclate une vibrante « Marseillaise ».
1942 – 2012, c’est un passé inoubliable ! On ne peut oublier : les répressions par la gestapo, les arrestations, l’internement, les tortures, les fusillades à la butte de Biard, la déportation. Nous avons le devoir de ne pas laisser s’éteindre les mémoires, de rappeler les leçons de l’histoire qui appellent à la lucidité et à la vigilance. Aujourd’hui, en ce lieu, je dédie cette journée historique à tous mes camarades de combat.
Cette place portant le nom : « Des Résistantes et Résistants de la Manufacture de 1940 à 1945 » rend hommage à toutes celles et tous ceux qui ont lutté, pour certains, les armes à la main, contre l’ennemi de l’époque, implacable de sauvagerie et de brutalité.
Pour nous, pour les jeunes générations, cet espace perpétue l’histoire et la mémoire de la Résistance et de la Déportation.
Monsieur le Maire et votre conseil municipal, la Fédération Nationale des Déportés Internés Résistants et Patriotes et l’association des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation sont très sensibles à votre attachement pour ce devoir de mémoire. Soyez assurés de notre profonde reconnaissance. »

Renée Moreau

Mme Marie-Claude Albert, historienne, précisa ensuite le contexte des événements relatés, soulignant l’importance exemplaire du rôle des femmes dans la Résistance. La parité homme / femme figurait au tableau des revendications ouvrières depuis très longtemps. Marcel Fillaud, l’homme qui coupa l’électricité de la Manu le 26 novembre 42, avait probablement déjà scandé dans les manifs : « A travail égal, salaire égal ! »

La Butte de Biard, évoquée par Mme Renée Moreau, est un terrain militaire près de Poitiers, à 34 km de La Manu à vol d’oiseau. Lieu d’exécutions, on y a recensé 128 Fusillés entre le 7 mars 42 et le 4 juillet 44 (quarante d’entre eux étaient âgés de 17 à 20 ans !)

Un site internet peut vous en dire plus : www.vrid-memorial.com