AUBOUÉ – 2015

Quand Auboué la rebelle disait NON à Speidel

0715_auboueC’était le 24 mars 1957, une glaciale journée de printemps. Les habitants d’Auboué venaient d’apprendre la nomination du général Speidel, à la tête des forces terrestres Centre-Europe de l’OTAN. Ainsi l’armée de terre française était mise aux ordres d’un général qui durant la guerre avait été le bras droit de Von Stülpnagel (chef des forces d’occupation, gouverneur de Paris) et avait sévi notamment en Lorraine. Pour Auboué et sa région qui avaient payé un lourd tribut à l’occupant hitlérien, le défi était inacceptable. Comment oublier en effet qu’à la suite du sabotage du transformateur électrique de l’usine d’Auboué le 4 février 1942, soixante-dix arrestations avaient été opérées à Auboué et les communes voisines suite à une circulaire de Speidel datée du 21 février : « Pour répondre à l’acte de sabotage d’Auboué, soixante-dix communistes et juifs seront arrêtés en vue de déportation vers l’Est. D’autres mesures seront prises en cas de non découverte des coupables. » Finalement vingt otages seront déportés, deux seulement reviendront des bagnes nazis. Cela n’arrêtera pas le combat des résistants locaux, notamment communistes, ni malheureusement la répression hitlérienne et vichyste comme en témoigne le monument des Fusillés de la ville.
Et c’est pourquoi, quinze ans après, sous une pluie battante, des milliers de Lorrains, mais aussi de manifestants venus de Paris et d’ailleurs s’étaient rassemblés à l’appel de nombreuses personnalités de la Résistance réunies autour du sénateur gaulliste Jacques Debû-Bridel, pour dire, comme en d’autres lieux : NON à Speidel. Parmi les participants, le cinéaste, René Vautier1 qui, quelque temps plus tard, produira un documentaire consacré à cette manifestation : Un Général revient. Ce film « oublié » sera retrouvé par l’Association nationale des Familles de Fusillés et Massacrés de la Résistance française et confié au Musée national de la Résistance à Champigny.
C’est le souvenir de cette manifestation et de cette affaire Speidel que la municipalité d’Auboué, en partenariat avec les associations d’Anciens Combattants et les familles de fusillés a commémoré dans le cadre du 73e anniversaire du sabotage à l’usine d’Auboué, manifestation qui s’est déroulée sur une semaine du 1er au 8 février 2015.
Le programme de cette semaine était particulièrement riche ; qu’on en juge :
– deux expositions : celle consacrée à l’affaire Speidel par l’Association des Familles de Fusillés et de Massacrés de la Résistance2 et la seconde, œuvre d’un collectif local consacré à la répression franco-allemande en Meurthe-et-Moselle contre la Résistance.
– Deux conférences : celle de Jean-Claude Magrinelli, « Affaire d’Auboué 42 : une affaire d’états », prélude à la sortie prochaine du livre de l’auteur consacré à cette affaire : quelles responsabilités des autorités allemandes et françaises ? Et celle de Bernard Néplaz, venu de Haute-Savoie et qui fut jeune soldat emprisonné en 1957-58 pour refus de servir sous les ordres de Speidel. Avec l’appui de son épouse Jacotte Néplaz-Bouvet, Bernard Néplaz a replacé l’affaire Speidel dans le double contexte de l’affrontement franco-français à propos du réarmement allemand et de la guerre froide. Intervention rehaussée par la projection du documentaire de René Vautier, revu avec beaucoup d’émotion par certains de ceux qui avaient participé à la manifestation. Seul regret : l’absence du livre de Jean Claude Faipeur, Crime de fidélité, en cours de réédition.
– Une représentation théâtrale, Auboué 42 , réalisée par la Compagnie du Théâtre du Paradis : trois représentations les 2, 5 et 7 février.
– La commémoration officielle le 7 février devant le mur des Fusillés.
Une semaine qui a suscité un grand intérêt à Auboué et dans tout le bassin de Briey. C’était la deuxième année que Auboué recevait les représentants de l’Amicale des « Non à Speidel » : chaque fois ce fut le même accueil chaleureux, tant de la part de la Municipalité et son maire, Monsieur Brogi, que de la part des organisateurs, notamment Angèle et Alain Corzani. Qu’ils reçoivent nos félicitations et nos remerciements pour ce travail de mémoire. Merci également pour le reportage et les photos de Gérard Lutique. Un exemple à suivre pour tous ceux qui veulent connaître et faire connaître cette période de notre histoire.

Jacqueline et Bernard Néplaz-Bouvet

1 René Vautier est disparu en décembre dernier.
2 Les personnes intéressées par l’exposition « L’affaire Speidel » peuvent contacter le Musée de la Résistance nationale à Champigny.