Rafle de lycéens à Saint-Brieuc, 70 ème anniversaire – 2014

Le 10 décembre 2013, la communauté éducative du Collège Anatole Le Braz de Saint-Brieuc a commémoré l’arrestation, le 10 décembre 1943, de plusieurs élèves de l’établissement, un lycée en ce temps-là. En présence de Messieurs le Préfet des Côtes- d’Armor, le Maire de St-Brieuc et le vice-président du Conseil régional de Bretagne, accompagnés de nombreuses personnalités, les élèves du Collège d’aujourd’hui écoutèrent Claudy Lebreton, président du Conseil général des Côtes-d’Armor, Georges Duffau-Epstein (président de notre association) et l’ancien Garde des Sceaux et président du Conseil Constitutionnel, Robert Badinter.
Rappel historique : Quelques jours avant le 10 décembre 1943, un attentat est commis à Plérin, un sous-officier allemand est tué. Il transportait des documents relatifs aux postes de surveillance allemands installés sur la côte nord ; ces renseignements ont peut-être aidé à l’organisation du Débarquement. À 8h, ce 10 décembre, gendarmes français et hommes de la Gestapo investissent le lycée, porteurs d’une liste de 19 noms… Georges Geffroy, Pierre Le Cornec et Yves Salaün sont arrêtés, isolés et torturés. Transférés à la prison de Fresnes le 2 février 1944 puis condamnés à mort, les nazis les fusillent au Mont-Valérien, le 21 février 1944, à 15 heures. Ils recevront la Médaille de la Résistance, en 1947.
« Il est midi et nous avons encore deux heures à passer en prison, mais je suis étrangement calme, car je m’étais fait à l’idée de ce qui m’arrive et de plus, je suis sûr de pouvoir chanter, même devant le poteau », écrit Yves Salaün à ses parents. Sa dernière lettre souligne : « J’ai toujours eu l’ambition d’être soldat, j’en ai l’âme. Ne pouvant faire partie d’une armée régulière, j’ai fait partie de cette armée souterraine et obscure de la Résistance. J’en connaissais les dangers, mais j’en ai compris la sublime grandeur. J’ai joué, j’ai perdu ce que d’autres gagneront, j’ai combattu pour un grand idéal : la Liberté. Je mourrai donc avec la satisfaction certaine de savoir que d’autres achèveront l’œuvre que j’ai, que nous avons tous commencée, nous qui mourrons pour que la France vive ». Le même idéal frémit dans les dernières lettres de Georges Geffroy et Pierre Le Cornec.
Ce même 21 février 1944, aux côtés de ces lycéens, tombaient les étrangers de « l’Affiche rouge » menés par l’Arménien Missak Manouchian. Leur groupe était sous les ordres de Joseph Epstein, commandant militaire des FTP d’Île-de-France qui sera exécuté au même endroit, le 11 avril 1944. Il était père de Georges Duffau-Epstein, présent à la rencontre de 2013.
« Du sacrifice et de l’héroïsme de Georges Geffroy, Pierre Le Cornec et Yves Salaün découlent des enseignements, a souligné Robert Badinter. D’abord le patriotisme, à ne pas confondre avec le nationalisme qui porte en lui le rejet de l’autre – notre égal pourtant et notre frère en humanité ». Les lettres de ces jeunes héros ne portent aucune trace de vengeance ou de haine, ni envers les Allemands, ni envers ceux qui les dénoncèrent. Robert Badinter dira aussi que « leur souvenir demeure vivant en notre temps où résonnent encore le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. L’amour de la patrie et de la Liberté s’enracine dans l’amour de l’humanité toute entière ». Ces mots avaient une résonnance toute particulière alors que disparaissait Nelson Mandela.
L’après-midi avait débuté sur quelques notes de musique celtique et par la lecture de la citation décernée à l’établissement, en 1948, avec la Croix de guerre 1939-1945. La Marseillaise, le Chant des Partisans, l’Hymne européen, furent chantés par la chorale du collège. L’intérêt manifesté par les collégiens, leur investissement consenti, discret mais constant, étaient particulièrement émouvants.
François René Doublet

Lycée Le Braz, St Brieuc
Croix de guerre 1939-1945
Citation à l’ordre de la division

« Établissement qui a payé une large contribution à la Patrie pendant la guerre 1939 -1945. Dès 1942, une organisation clandestine d’une centaine d’adhérents, comprenant des membres très actifs pour la cause de la Résistance, fonctionnait au sein du lycée. Vingt-cinq élèves, un professeur, le médecin de l’établissement, le pasteur ont été déportés. Trois élèves ont été fusillés, le pasteur est mort en Allemagne. Au total, 81 élèves et un professeur sont morts pour la France. Vivant exemple, pour l’Université, de résistance active et d’héroïsme militaire ».