Vendredi 29 novembre 2013, place Jean Moulin à Thonon-les-Bains (Haute-Savoie) les autorités civiles et militaires, départementales et régionales inaugurent un buste de Jean Moulin, sculpté par Béatrice Sassone-Bouvet. En présence de nombreux drapeaux, les Autorités et le Comité haut-savoyard des associations de Mémoire de la Résistance et de la Déportation déposent des gerbes.
Michel Etiévent, historien, retrace pour nous la vie de Jean Moulin, vue de Savoie.

ANF_Histoire_jean-moulinNé à Béziers le 20 juin 1899, d’un père professeur et démocrate, Jean Moulin devient, à Albertville en 1926, le plus jeune sous-préfet de France. Un rapport élogieux le précède : «…D’une intelligence très développée et d’un esprit ouvert et averti. Possède un jugement très sûr et supérieur aux hommes de son âge. Valeur professionnelle : excellente. Caractère : droit et sûr. Très bien considéré dans un pays de relations difficiles. Antécédents politiques : Fils d’un républicain éprouvé, lui-même très sûr. Valeur morale : absolue ».
Il va très vite mériter ces appréciations établies par le préfet de Chambéry avec qui le jeune méridional a fait ses classes comme chef de cabinet… Son discours de prise de fonction s’ouvre par ces mots : « Ce qui comptera toujours pour moi et au premier chef de mon rôle de sous-préfet, ici en Savoie, c’est l’accès de tous à la chose publique, l‘égalité des chances, de quelque milieu que l’on vienne ».

Un témoin portraitise son rayonnement : « Il portait sur lui, lorsque je l’ai vu arriver à Albertville, cet air d’extrême jeunesse qu’il gardera toute sa courte vie… Il rompit très vite la distance solennelle que les notables de l’époque gardaient entre eux et le terrain. Tout au long de sa mandature, il nous surprit par une intense activité en direction du quotidien des gens. Il aimait être auprès des défavorisés et portait une attention particulière à l’instruction publique en nos vallées ». Ainsi se bat-il, seau en main, aux côtés des paysans lors d’un incendie, fin août 1928. Il écrit à sa sœur Laure : « J’en suis ressorti brûlé de partout. Le bilan est terrible : 100 sinistrés qu’il faut soulager ! ».

Les archives montrent un sous-préfet à la pointe du désenclavement des vallées… Il se consacre à l’éclosion du tourisme, inaugurant la station thermale de Brides-les-Bains (juin 1928) ou incitant à la création d’un embryon de station hivernale aux Avanchers (plus tard Valmorel). Lovée à deux pas des cités ouvrières d’Ugine et des industries tarines, la résidence albertvilloise sera aussi, pour Jean Moulin, le lieu de l’apprentissage politique. Il noue sur place de fortes amitiés. Avec le républicain de gauche Pierre Cot, futur député de Savoie, il partage de nombreuses batailles pour la laïcité et l’innovation sociale ; il deviendra son chef de cabinet en 1936, au Ministère de l’Air du Front Populaire. En 1945, celui-ci rappellera : « Jean Moulin était un farouche partisan de l’Espagne républicaine. Il fut un de ceux qui sauva l’honneur de la démocratie française. Les avions qui firent échouer les attaques franquistes sur Madrid furent expédiés par Jean Moulin ».

Jean Moulin quitte Alberville le 20 décembre 1929 pour Châteaulin (1930) puis Thonon (1933) et enfin l’Aveyron où il sera le plus jeune préfet de France. En juin 1940, préfet de Chartres, il refuse de signer un rapport allemand prétextant des exactions de soldats Sénégalais…perpétrées par les nazis. En signe de protestation, il tente de se trancher la gorge. Commence un chemin de clandestinité et d’héroïsme qui le mènera dès 1941 à Londres…
De Gaulle le missionnera pour unifier la Résistance française, ce qu’il accomplira le 27 mai 1943 par la création, 48 rue du Four à Paris, en totale clandestinité, du Conseil National de la Résistance dont le programme donnera un goût de dignité sociale à la France d’après guerre. Arrêté à Caluire le 21 juin 1943, il est atrocement torturé et meurt le 8 juillet lors de son transfert vers l’Allemagne.

Michel Etiévent
Dernier ouvrage : « Ambroise Croizat, ou l’Invention sociale » (30€, port compris) – chez l’auteur : 520, avenue des Thermes -73600 Salins les Thermes.