Calais, 2016

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Allocution : dimanche 4 septembre 2016 à la Citadelle

Nous sommes réunis au Stade du Souvenir pour rendre hommage aux cinq fusillés de la Citadelle de Calais, exécutés le 3 septembre 1944 à l’emplacement même de la stèle.

Celle-ci doit demeurer un lieu de mémoire de la Seconde Guerre mondiale, lieu de Souvenir. Ces jeunes gens morts pour la France, méritent « gratitude et respect ».

Perpétuons leurs noms :

Jean Bodechon, 18 ans

Roland Le Gall, 21 ans

Alfred Véron, 20 ans de Blériot-Plage

Fernand Gouverneur, 22 ans de Blériot-plage

Alfred Legros, 24 ans

Ils ont voulu apporter leur contribution au Combat Libérateur de notre ville.

Ils ont décidé d’agir, et de s’attaquer à l’usine Brampton, Boulevard Lafayette.

Le 16 août 1944, ils entrent dans l’entreprise, s’en prennent au transformateur électrique, rendant inutilisable pendant quelques jours, l’outil de travail.

Précisons qu’il n’y a eu aucun dommage corporel.

Avec la progression rapide des Armées Alliées vers le Nord de la France, les troupes Allemandes d’occupation étaient en état d’alerte permanente et de nervosité de plus en plus inquiétante.

Aussi, après cet acte, les représailles sont strictement appliquées.

L’enquête ouverte par la police Française donne peu d’éléments.

L’affaire est confiée aux services de sécurité de la police allemande, qui charge le gestapiste « Herzog »,connu et redouté par ses méthodes brutales et expéditives, de retrouver les responsables dans les plus brefs délais !

Par la violence et le chantage, il réussit à obtenir l’identité des patriotes, les arrestations se succèdent.

Sans comparution devant un Tribunal militaire, donc sans jugement, ils sont emmenés dans l’enceinte de la Citadelle et, exécutés les uns après les autres, jetés  pêle-mêle dans une fosse commune.

Leurs proches n’ont été informés de rien.

La Libération de Calais intervient.

Les familles des victimes sont toujours dans l’ignorance du sort réservé à leurs enfants et, du lieu exact où ils peuvent se trouver…

La guerre se termine. L’allégresse pour certains et, l’attente pour d’autres…

A la Citadelle, des fouilles sont entreprises en vain.

On retrouve en Angleterre, dans un camp de prisonniers l’officier qui a lu sur place, la sentence de mort.

Il est extradé, il croit pouvoir situer l’endroit recherché.

En présence des familles, des autorités, des ouvriers de la Ville, on sonde le sol.

Une fosse est creusée, des ossements sont mis à jour : c’était le samedi 11 octobre 1947.

L’exhumation se fait dans le plus grand silence, chacun est bouleversé.

La reconnaissance et le dégagement des corps s’avèrent très difficiles.

Pauvres reliques de cinq vies suppliciées.

Pour le retour du corps de mon frère Claude à Calais, ma mère et moi avons vécu cette douloureuse épreuve.

En mars 1949, 3 officiers allemands, responsables de ce crime furent incarcérés.

Le Tribunal de Lille les condamna à quelques années de prison, en partie non effectuée.

Les famille indignées protestèrent, ainsi que M. Gaston Berthe, ancien déporté et Maire de la Ville de Calais.

On constate que les acteurs impliqués dans les crimes nazis, commis pendant la Seconde Guerre mondiale, ont bénéficié d’une incroyable mansuétude.

Notre pays est actuellement confronté au fanatisme qui entraîne des actes odieux et rappelle les heures sombres de notre histoire. Restons vigilants à l’égard des mouvements qui utilisent ces faits tragiques pour se donner une apparence respectable.

Nous remercions pour leur présence :

Monsieur le Sous-Préfet,

Madame le Maire et les représentants du Conseil Municipal,

Les membres des familles de fusillés de la Citadelle et des Déportés de la Résistance,

Les personnalités civiles et militaires,

Les Présidents et représentants des sociétés patriotiques

Nos amis, les fidèles et dévoués Portes-Drapeaux.

La Musique Municipale pour sa participation.

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CALAIS7 septembre 2014

ANF_CALAIS_JUIN 2014_COQUELLEÀ la Citadelle de Calais, c’est en termes simples et directs que, ce jour-là, Mme Charitas-Warocquier sut évoquer les heures douloureuses des années d’Occupation : « La féroce pression des nazis soutenus par Vichy et sa Milice qui imposaient des méthodes particulièrement brutales et multipliaient les exécutions sommaires de résistants, les massacres de populations civiles et les déportations massives vers les camps de concentration en Allemagne ». Elle rappela le sort tragique des cinq jeunes Calaisiens assassinés dans le plus grand secret, le 3 septembre 1944 et jetés pêle-mêle au fond d’une fosse, sous trois mètres de terre.
Ils avaient de 18 à 22 ans et détenaient quelques armes ; c’était insupportable au gestapiste Rudolf Herzog, responsable de leur disparition et à l’officier Albin Kellner qui leur donna lecture d’un simulacre de sentence de mort.
Les corps des suppliciés ne furent découverts que trois années plus tard : « Le jeudi 16 octobre 1947, la municipalité de Calais leur rendit hommage par des obsèques solennelles. Des milliers de personnes défilèrent devant les cercueils exposés dans le hall du Palais de Justice de la place Crève-Cœur ».
Madeleine Charitas-Warocquier, à qui nous devons le contenu de cette notice, a joint à son courrier, photocopie d’un article de presse (Nord Littoral du 2 septembre 2014 ) relatant l’inauguration à Calais d’une maison de quartier dont il est écrit que « le lieu n’a pas été choisi au hasard puisque le bâtiment est celui d’une ancienne école, par définition au cœur de la vie des habitants, avec le nom attaché à l’histoire calaisienne de ce résistant communiste (Félix Cadras) fusillé au Mont-Valérien par les nazis en 1942 ». Notre correspondante précise qu’un immense portrait du jeune patriote figure en permanence au mur d’une salle en ces lieux désormais dédiés à la vie associative ; l’œuvre graphique est dûe à M. Couteau, artiste belge qui portraitura nombre de Fusillés au cours des années ayant suivi la Libération.
J.C


Libération de Calais : Roland, Alfred, Jean, Fernand et Alfred, fusillés pour la France
par Marie Goudeseune (LA VOIX DU NORD)

Il y a soixante-dix ans, Calais était libéré par les Alliés. Mais au cœur de cette libération, qui a vu le retour de prisonniers, de requis et de nombreux déportés, cinq familles sont restées plongées dans l’angoisse. On était sans nouvelles de Roland Le Gal, Alfred Véron, Jean Bodechon, Fernand Gouverneur et Alfred Legros, jeunes résistants arrêtés quelques semaines plus tôt par les Allemands pour avoir saboté l’usine Brampton, boulevard Lafayette. Il faudra attendre trois longues années avant de découvrir leurs corps, enterrés sous trois mètres de terre à la citadelle de Calais…
Ils étaient issus de milieux très divers, mais mus par un même désir : celui de lutter contre l’occupant. Début des années 40 à Calais : alors que la ville est sous l’emprise des Allemands, Roland, Alfred, Jean, Fernand et Alfred entrent dans la résistance. Roland est originaire de l’Aisne tandis que les quatre autres sont du Calaisis. Ils ont entre 18 et 24 ans quand ils intègrent la section V2 des FTPF (Francs-tireurs et partisans français), mouvement clandestin issu d’un parti politique d’extrême-gauche, qui réalise notamment des opérations de sabotage. C’est après celui de l’usine Brampton, située boulevard Lafayette à Calais, le soir du 16 août 1944, que les cinq jeunes sont arrêtés par les Allemands.
Quinze à vingt individus ont participé à cette opération : le 16 août vers 20 h 50, huit d’entre eux, armés de revolvers, ont menacé les gardiens de nuit de cette fabrique de chaînes et se sont fait remettre la clé du transformateur électrique. Ils ont brisé tous les isolateurs, arraché des câbles et allumé un incendie avant de prendre la fuite. Le feu a été rapidement maîtrisé mais dès le lendemain, les Allemands sont à la recherche des coupables. Les contrôles dans la ville sont renforcés, le couvre-feu déclaré, et de nombreuses personnes sont fouillées et emprisonnées. Dix jours après le sabotage de l’usine, les Allemands annoncent par voie d’affichage qu’ils ont arrêté les véritables auteurs. Roland, Jean, Fernand et les deux Alfred sont enfermés derrière les barreaux de la prison du Pont-Lottin.

Trois années sans savoir

À la Libération, qui survient fin septembre, les familles des cinq jeunes restent dans l’angoisse. Personne ne semble savoir quel a été le sort des cinq résistants : sont-ils vivants ? Blessés ? Retenus en zone soviétique ? Une enquête est menée jusqu’au Canada pour tenter de retrouver les Allemands qui ont participé à leur arrestation. Sur l’indication de certains prisonniers, des fouilles sont entreprises à la citadelle de Calais à la recherche d’une fosse commune. Mais elles ne donnent rien… Il faut attendre trois longues années pour connaître enfin la vérité. Celle-ci est livrée par un officier allemand, le lieutenant Keller, que la police judiciaire française retrouve dans un camp de prisonniers en Angleterre : les cinq jeunes gens ont été fusillés l’un après l’autre le 3 septembre 1944, dit-il. Ils ont ensuite été jetés dans une fosse commune.
Les fouilles sont alors immédiatement reprises à la citadelle, sur les indications de ce lieutenant. Cette fois, elles sont concluantes : le 11 octobre 1947, les cinq corps sont retrouvés pêle-mêle, à près de trois mètres sous terre. Les obsèques ont lieu cinq jours plus tard dans une ville qui semble toute entière plongée dans le deuil. Des milliers de personnes défilent devant les cinq cercueils exposés dans le hall du palais de justice, place Crévecoeur. Les corps de Jean Bodechon et d’Alfred Legros sont inhumés au cimetière Sud, ceux de Fernand Gouverneur et d’Alfred Véron à Blériot-Plage. Celui de Roland Le Gal, originaire de l’Aisne, est inhumé à Hirson. Le 21 mars 1949, trois officiers allemands tenus pour responsables des cinq exécutions sont jugés à Lille. Seulement, leur culpabilité ne peut être solidement établie. L’un d’eux est acquitté et les deux autres écopent respectivement de cinq ans de travaux forcés et de trois ans de prison.


Citadelle de Calais, 6 septembre 2013

ANF_calais_2013Madame Madeleine Charitas-Warocquier a pris la parole à la commémoration annuelle rendant hommage aux cinq jeunes Résistants fusillés en ces lieux aux heures sombres de l’Occupation : Jean Bodechon (18 ans), Alfred Véron (20 ans), Alfred Legros (24 ans), Fernand Gouverneur (22 ans), Roland Le Gall (22 ans). Elle a rappelé les principaux épisodes des tragiques évènements qui les menèrent à la mort.
Le 16 août 1944, leur groupe s’introduit dans l’usine Brampton et endommage le central téléphonique et un transformateur électrique. La production de l’usine sera interrompue pendant plusieurs jours… Arrêtés, torturés par le gestapiste Rudolf Herzog, ils sont abattus sans jugement, le 3 septembre dans l’enceinte de la Citadelle. Un simulacre de « sentence » leur avait été lu par l’officier Albin Kellner. Leurs corps sont jetés dans une fosse commune creusée à la hâte puis dissimulée.
Fin septembre 1944, dévastée, meurtrie, Calais est libérée. Les familles des victimes sont toujours dans l’ignorance du sort réservé à leurs enfants. Les recherches se multiplient, les mois passent… En Angleterre, dans un camp de prisonniers allemands, Kellner est retrouvé. Il est extradé…
Le 11 octobre 1947, les parents présents subissent la terrible douleur de devoir reconnaître les dépouilles mortelles de leurs chers enfants, enfouis depuis trois années sous quelques trois mètres de terre…
Les obsèques solennelles des jeunes martyrs voient défiler des milliers de personnes dans le hall du Palais de Justice de Calais. Une stèle est érigée… Le souvenir perdure, les commémorations aussi. Nous nous y associons.
Madeleine Charitas-Warocquier


Calais : Hommage à Paul Caron (2012)

Depuis 1972, une salle publique portait son nom, désormais, une plaque y rappelle sa personnalité : Paul Caron était responsable de l’Organisation civile et militaire – OCM (1) – du secteur de Calais. Le dévoilement par Madame Natacha Bouchart, Sénateur-Maire, en présence de deux des quatre petites-filles de Paul Caron, eut lieu le 8 juillet 2013. Ce fut l’occasion, pour Madeleine Charitas-Warocquier, présidente de l’Association des Familles de Fusillés du Calaisis, de retracer « le sacrifice de vie » de ce combattant :
« Déjà mobilisé à la déclaration de la Grande Guerre, il revient en 1919 avec les galons de lieutenant. Enseignant, secrétaire du Syndicat des instituteurs et responsable du Camp Jules Ferry (établissement municipal destiné à « favoriser et encourager la fréquentation de l’École publique »), il est nommé directeur de l’Ecole Condé, dans le quartier des Cailloux. En 1939, il est rappelé sous les drapeaux. A la défaite de 1940, il n’a pas l’intention de capituler et désire continuer la lutte contre l’envahisseur allemand. En 1942, il est contacté pour entrer en Résistance. Raoul François, chef départemental du réseau OCM, le juge compétent (2) et le nomme responsable du secteur de Calais. Il se fait aider par des amis sûrs.
« Hélas, en cette période d’occupation allemande, notre région est classée « Zone rouge – Zone interdite ». Les informations transmises à Londres par certaines filières ne peuvent rester secrètes. Un agent de l’ennemi, infiltré, dénonce. Les arrestations se succèdent. Paul Caron est transféré à la prison d’Arras et jugé par un tribunal de guerre exceptionnel ainsi que 11 responsables notables du secteur. La condamnation à mort est immédiatement appliquée à la citadelle d’Arras mais en retrait du lieu des 200 autres exécutions (3). Ceux-là sont inhumés dans le secret d’une fosse commune recouverte de plaques d’herbe pour mieux la dissimuler. Avec Paul Caron, étaient enfouis, entre autres, Alfred Touny (« colonel Guérin » dans La Résistance), chef national de l’OCM dont le corps repose dans la crypte du Mont-Valérien parmi les 16 héros symboliques de la France combattante, Jean Cavaillès, illustre mathématicien, professeur à la Sorbonne, Raoul François leur chef en Pas-de-Calais, un directeur de banque, un instituteur et d’autres Patriotes… »
Madeleine Charitas-Warocquier

1 – L’OCM figurait parmi les 8 mouvements de la Résistance intérieure constituant le CNR – Conseil national de la Résistance – aux côtés de 6 partis politiques et 2 syndicats. Lors de la première réunion du CNR, le 27 mai 1943, l’OCM était représentée par Jacques-Henri Simon.
2 – Apparemment paisible retraité de l’Instruction publique, Paul Caron avait accepté, à l’époque, d’assurer des responsabilités au Comptoir du poisson, ce qui, grâce à un laissez-passer, l’autorisait à circuler dans la zone très surveillée du port dont il put établir un plan actualisé précis et précieux qui parvint à Londres.
3 – « Du 21 août 1941 au 21 juillet 1944, 218 patriotes furent fusillés par les Allemands dans les fossés de la Citadelle d’Arras : 4 en 1941, 93 en 1942, 43 en 1943 et 78 en 1944. Le plus jeune de ces Martyrs avait 16 ans et demi, il s’appelait Julien Delval ; le plus âgé avait 69 ans, il s’appelait Henri Queval. « Les Fusillés appartiennent à 9 nationalités différentes : 189 Français, 15 Polonais, 5 Belges, 3 Soviétiques, 2 Portugais, 1 Italien, 1 Hongrois, 1 Tchèque, 1 Yougoslave. Toutes les catégories sociales étaient représentées : 1 prêtre, 7 enseignants, 10 artisans, commerçants, 11 cultivateurs, 16 employés, fonctionnaires, 10 cheminots SNCF, 33 ouvriers, 130 mineurs. »
Source internet : Arras – Mémorial du mur des Fusillés (Citadelle) – Mémoires de pierre.


Calais, 9 septembre 2012

Jeunes vies fauchées par la mitraille des pelotons d’exécution, destins de parents survivants voués au culte des morts et qui, la mémoire en plaie, reviennent visiter les leurs! Haut lieu de guerre et de massacres, la Citadelle de Calais a reçu, début septembre dernier, l’hommage dû aux cinq Calaisiens fusillés en septembre 1944. Un article du journal « Nord – littoral » retrace la cérémonie de septembre dernier :
« Ils sont le symbole d’une jeunesse qui a osé dire non à l’occupation nazie à Calais. Jean Bodechon, Roland Le Gal, Alfred Véron, Fernand Gouverneur, Alfred Legros. Ils avaient entre 18 et 24 ans quand, à l’aube du 3 septembre 1944 ils ont été fusillés à la Citadelle par l’armée allemande. Leur tort ? Avoir participé à un acte de sabotage au sein de l’usine Brampton, boulevard La Fayette.
« Comme tous les ans, la municipalité a souhaité rendre hommage à « ses martyrs » en organisant une cérémonie commémorative devant la stèle érigée en leur mémoire.
« Au nom des familles de fusillés, massacrés de la Résistance française, Madeleine Charitas-Warocquier, dont le frère a lui aussi été victime de la barbarie allemande, a rappelé avec émotion ce tragique épisode : « Les cinq Calaisiens ont contribué aux combats libérateurs de leur ville. Le 16 août 1944, ils se sont attaqués à l’usine Brampton en s’en prenant au transformateur électrique mais sans faire de dommages corporels. » La gestapo n’a pas tardé à retrouver les auteurs de cet acte de résistance. Arrêtés, battus puis torturés, ils ont été exécutés sans comparaître devant un tribunal militaire, sans même que leurs familles en soient informées.
« Jetés dans une fosse commune creusée à la hâte, leurs corps ne seront retrouvés que trois ans plus tard. « Ce massacre perpétré il y a 68 ans était inutile et absurde, à quelques mois seulement de la libération de la France, dénonce Natacha Bouchart, maire. Il ne s’agissait pas d’un acte de guerre mais de meurtres… »
« … Après l’interprétation émouvante du Chant des partisans par Béatrice Constant et les traditionnels dépôts de gerbes, les personnalités se sont recueillies devant la plaque des combattants français et britanniques, située sous le porche d’entrée de la Citadelle, avant d’écouter une prière lue par l’écrivain britannique Kristina Howells. »
(T.S-M. « Nord-littoral », lundi 10 septembre 2012 )
Le récit de ces tragiques évènements et de leurs prolongements jusqu’en 1947 (les corps retrouvés – les honneurs rendus – les hommages), Mme Charitas-Warocquier nous le relate avec ferveur. La presse régionale d’information joue son rôle en s’en faisant l’écho, nous lui en savons gré.


Citadelle de Calais (Allocution de Madame Charitas-Varocquier) – 2011

En ce dimanche 4 septembre 2011, fidèles à la Mémoire de nos cinq Fusillés de la Citadelle, nous voici à nouveau rassemblés devant la Stèle, à l’emplacement même où, ils furent exécutés le 3 septembre 1944. Nous souhaitons que ce lieu soit toujours honoré et mis en valeur pour perpétuer le souvenir de : Jean Bodechon, 18 ans – Roland Le Gall, 21 ans – Alfred Véron, 20 ans – Fernand Gouverneur, 22 ans – Alfred Legros, 24 ans. Ces jeunes gens de Blériot-Plage et de Calais ont payé de leur vie leur engagement patriote.
Le 16 août 1944, ils ont décidé d’agir : sans effusion de sang et aucun dommage corporel, ils bloquent pendant trois jours, la production de guerre, sabotant le transformateur de l’usine Brampton du boulevard Lafayette. Le 19 août, l’enquête est confiée aux autorités militaires locales. Le lieutenant Hermann-Pruss charge le gestapiste Rudolph-Herzog de retrouver les responsables. Pour délier les langues, ce policier allemand a sa méthode, faite de violence et de chantage. Il obtient l’identité des cinq jeunes résistants qui sont arrêtés et mis sous les verrous à la prison militaire de la rue du Pont Lottin. Ils sont frappés, torturés pour obtenir des aveux. Sans comparution devant un tribunal militaire, ils sont emmenés dans l’enceinte de la Citadelle, exécutés les uns après les autres et jetés dans une fosse commune. Nous sommes le 3 septembre 1944. Leurs proches restent dans l’ignorance du sort réservé à leurs enfants.
Les alliés approchent, c’est bientôt le siège de la ville, l’évacuation et la libération de Calais. Les familles sont toujours dans l’attente, le désarroi. Elles multiplient les recherches, les démarches…sans résultat. Diverses révélations, des bavardages de prisonniers allemands se recoupent. En Angleterre, dans un camp de prisonniers, on retrouve un certain Albin Kellner, officier qui a lu la sentence de mort sur les lieux de l’exécution à la Citadelle de Calais. Il est extradé (afin de venir aider à retrouver les corps – NDLR ).
Mais les bombardements ont bouleversé le site. Des fouilles sont entreprises. Les ouvriers du service de reconstruction urbaine se mettent à la disposition des familles. Le samedi 11 octobre 1947, près d’un talus, un gendarme sonde le sol. Une tranchée est creusée, approfondie : des ossements sont mis à jour. Le dégagement et la reconnaissance des corps s’avèrent très difficiles. Accablés, les parents présents sont bouleversés – Pauvres reliques humaines fauchées sans pitié ! – J’ai vécu cette douloureuse épreuve à l’exhumation de mon frère Claude, 20 ans, fusillé au Mont-Valérien avec 29 autres Résistants.
Le temps s’écoule, sans amoindrir la nécessité de poursuivre le travail de mémoire, concernant les évènements, les atrocités du nazisme – toujours d’actualité. Nous voyons, dans de très nombreux pays (dont le nôtre) réapparaître des propos, des actes dont le monde pensait qu’ils étaient à jamais révolus. Malheureusement, les témoins directs disparaissent les uns après les autres, et, continuer leur travail n’est pas simple. Les générations passent et les centres d’intérêts des plus jeunes prennent des formes nouvelles, ils ne ressentent pas comme nous la nécessité de savoir !
Madeleine Charitas-Warocquier


Madame Madeleine Charitas-Warocquier participe à la vie de notre association depuis sa création. Sa fidélité au souvenir de son frère Claude et de tous les Fusillés et Massacrés de la Résistance est permanente, indéfectible ; elle s’exprime en toutes circonstances et lieux, principalement lors de commémorations et dans le cadre de rencontres en milieu scolaire. Un article du journal « Nord Littoral » relate l’une de ces rencontres entre générations. Nous vous en proposons un court extrait ci-dessous.
Claude Warocquier

« … À l’initiative de Magali Domain, connue et appréciée pour ses écrits sur l’Histoire de Calais, les élèves (de la classe de 3èmeA du collège Jean Monnet de Coulogne) ont pu rencontrer un témoin local. C’est ainsi qu’elles ont pu faire la connaissance de Madeleine Charitas, la sœur de Claude Warocquier.
« Cette dernière … leur raconta ce que fut la trop courte vie de son frère, né en 1923, qui, peu après avoir entendu l’appel du général De Gaulle était aussitôt passé dans les rangs de la résistance à l’occupant. Cela s’était traduit dans un premier temps par de simples croix de Lorraine, peintes à différents endroits, avant une série d’actes de sabotage destinés à causer des dégâts à l’armée allemande et à perturber ses mouvements.
« Exerçant le métier de cheminot à Groslay, dans le Val d’Oise, Claude Warocquier se signale ainsi par une série de sabotages sur les voies ferrées. Rejoignant la JOC locale (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) il intègre ensuite le réseau Valmy dont les chefs sont arrêtés début 1943. Claude Warocquier rallie alors les FTP (Francs-Tireurs et Partisans) et le groupe « Jean Jaurès ». Le 4 septembre 1943, il participe avec d’autres jeunes gens de son âge à une attaque de plus grande envergure sur la centrale électrique de Chelles. Las, le jour-même les auteurs du coup de main sont identifiés. Arrêté … par la police française et remis aux autorités allemandes, Claude Warocquier sera victime de tortures avant d’être placé devant le peloton d’exécution et fusillé au Mont-Valérien le 6 octobre 1943, sans qu’aucune information ne soit donnée à sa famille. Il a fait le sacrifice de sa vie pour la France, à vingt ans ! … »
Hervé Deguines (Nord-Littoral – dimanche 11 juillet 2010)