En juillet 1896, il fut reçu bachelier en Lettres-Mathématiques et prépare l’école de Saint-Cyr où il est reçu, en 1897, douzième d’une promotion de 552 élèves. En 1900, il devient sous-lieutenant et est affecté à Lille au 16e Bataillon de Chasseurs à Pied.
Dans la même période, il entre au Tiers-Ordre de Saint-François et devint le Frère Delestraint. Toute sa vie, Charles Delestraint sera un catholique fervent et militant.
Le vendredi 31 juillet 1914, la mobilisation et son action au combat lui vaudront la Légion d’Honneur. Le dimanche 30 août 1914, il est fait prisonnier dans un combat d’arrière garde dans les Ardennes, transféré en Allemagne, il sera captif jusqu’au mardi 3 décembre 1918.
Le vendredi 4 avril 1919, il est au Grand Quartier général à Chantilly, à la disposition du Maréchal Pétain qui lui remet les insignes de la Légion d’Honneur décernée quatre ans plus tôt.
En juin 1919, Charles Delestraint rejoint l’école de Guerre, où il effectue son dernier stage à Versailles et y découvre l’arme nouvelle des chars et son rôle stratégique en 1918 et surtout des possibilités nouvelles qu’elle possédait. Un autre Capitaine de 1914, fait prisonnier le jeudi 2 mars 1916, va partager son sort de prisonnier. Il s’agit de Charles de Gaulle dont Charles Delestraint sera le supérieur, tous les deux partagent la théorie de la supériorité de l’armée blindée.
En 1923, Delestraint est versé, à sa demande, dans les chars de combat et va devenir l’avocat de l’armée «Chars» dans le sillage du Général Jean Estienne qui apprécia Delestraint qui est nommé Général de Brigade en 1936 à Metz. Dans cette garnison, il connaîtra Charles de Gaulle, autre avocat d’un emploi moderne des chars depuis 1934 et son ouvrage «Vers l’armée de métier», cette théorie était en butte à celle de l’État-major attaché à la défense continue appuyée sur la ligne Maginot et à la dispersion des chars accompagnant l’infanterie comme en 1918, et sous coordination avec l’aviation.
En mars 1939, atteint par la limite d’âge, Delestraint est placé dans la réserve et le vendredi 1er septembre 1939, rappelé à l’activité au Quartier Général des Armées du Nord-Est et nommé à la mission de «hâter la fabrication et l’organisation des engins en nouvelles unités». Si la France en mai 1940 dispose du même nombre de chars que la Wehrmacht, la dissémination dans les unités d’infanterie ne répond pas aux besoins de la guerre à venir.
Les incidents entre le Gouverneur de Metz, le Général Giraud et le Colonel de Gaulle sont fréquents et connus. Pétain préface un livre intitulé «Une invasion est-elle possible ?» Où il est affirmé : «Les grandes unités cuirassées appartiennent au domaine du rêve».
Pendant les huit mois de la drôle de guerre, Delestraint s’efforça de promouvoir l’emploi des chars en formation massive. En vain…
Le 10 mai, les Allemands franchissent les Ardennes. Nous connaissons la suite… Malgré la résistance des 2e et 4e divisions des Cuirassés avec de Gaulle au commandement, les chars français étaient sans radios, manœuvres aux fanions face à dix Panzerdivisionen avec radio et soutien d’aviation. Les divisions françaises avec peu d’autonomie en carburant, sans coordination efficace, Montcornet et Abbeville sauveront l’honneur. Charles de Gaulle, promu Général de Brigade, est appelé au Gouvernement par Paul Reynaud et nommé sous-Secrétaire d’État à la guerre.
Le lundi 17 juin 1940, Pétain succède à Paul Reynaud.Delestraint parvint à ramener les reste des divisions blindées dans le Tarn-et-Garonne et le mardi 18 juin à Valençay, il fut l’un des rares à entendre l’appel à la résistance du Général de Gaulle. Delestraint est rendu à la vie civile le lundi 15 juillet 1940 par le régime de Vichy.
En 1945, à la Libération, une ordonnance du Ministère de la Guerre du GPRF (Gouvernement provisoire de la république) précise au Journal Officiel que le Général Delestraint a été rappelé à l’activité au titre des Forces Françaises Libres. Dès le lundi 15 juillet 1940, cette date d’homologation, si elle ne correspond pas à un engagement formalisé dans la France libre, confirme l’esprit de résistance patriotique de ce placé sous les ordres de son subordonné.
En 1942, Jean Moulin est désigné représentant du Comité National Français pour la zone non occupée et d’une armée secrète, Charles Delestraint avait donné son accord pour en assurer le commandement. La nomination pris effet le mercredi 11 novembre 1942… Le jour de l’invasion de la zone sud par les Allemands.
À l’âge de soixante-trois ans, le Général de division se rangeait sous les ordres de son ancien subordonné et sous le pseudonyme de Vidal dans l’action clandestine dont il connaissait les risques.
Le jeudi 22 octobre 1942, il reçut la missive portant son accréditation signée par le chef de la France libre qui commençait par ces mots : «Mon Général, on m’a parlé de vous… J’en étais sûr».
Le Chef de l’Armée secrète établit son poste de commandement à Lyon et s’il travaille en collaboration étroite avec Jean Moulin, un conflit s’installe immédiatement avec Henri Frenay, un militaire, le chef du mouvement combat qui estimait que le commandement de l’Armée secrète lui revenait de droit, ainsi le vendredi 27 novembre 1942, une réunion où Jean Moulin présente Charles Delestraint Chef de l’Armée secrète. Frenay exigeait la direction de l’État-major prétextant de l’inexpérience de Delestraint. Finalement, c’est le Capitaine Joseph Castaldo, proche de Delestraint, qui sera désigné Chef d’État-major à l’unanimité.
Plus tard, Frenay fera confier le 3e Bureau à René Hardy pour le malheur de la résistance. En décembre 1942, Charles Delestraint publie son ordre du jour numéro 1 de sa prise de commandement. Il cite l’union des forces comme un devoir impérieux et les mouvements «Combat», «Libération», «Franc-Tireur» comme le noyau de l’Armée secrète, sous les ordres du Général de Gaulle et aux côtés des alliés, jusqu’à la victoire. Henry Frenay empêcha la diffusion de ce texte, défiant l’autorité de Delestraint, affaiblissant de fait la Résistance dans son ensemble.
Delestraint refuse une direction bicéphale, ni d’avoir à rendre des comptes à Frenay et il compte bien en appeler au Chef de la France libre, dans le contexte des événements en Afrique du Nord où les Anglo-Américains mettent en place, à Alger, un pouvoir fidèle à Pétain ! Avec Darlan, puis Giraud, de Gaulle confirma l’autorité de Delestraint à la tête de l’Armée secrète et étendit son commandement à la zone Nord en février/mars 1943 lors d’une réunion convoquée par de Gaulle à Londres avec Jean Moulin et Charles Delestraint.
Du samedi 13 février au vendredi 19 mars 1943, un déplacement en Lysander, c’est pendant ce déplacement que Jean Moulin reçu la Croix de la Libération et Delestraint le grade de de Général de Corps d’armée et sa 4e étoile. Le 20 mars, le Lysander ramène les deux résistants en France.
Le samedi 5 juin 1943, Delestraint monte à Paris en chemin de fer pour finaliser l’union de la résistance des deux zones qui avait abouti par la volonté de Jean Moulin, le jeudi 27 mai 1943, et la première réunion du CNR (Conseil national de la résistance).
La réunion devait avoir lieu le mercredi 9 juin 1943 dans la matinée, le chef du 3e Bureau de l’Armée secrète, René Hardy devait y participer, le rendez-vous était fixé entre les deux hommes au métro «La Muette». Le message fixant le rendez-vous fut intercepté par la gestapo et René Hardy identifié. Mais Delestraint l’ignore. Il sera arrêté par la gestapo dans le train du 7 juin à Châlons-sur-Saône, conduit à Lyon devant Klaus Barbie, puis relâché, il dissimulera son arrestation à son réseau Résistance Fer et aux responsables de l’Armée secrète. Le 9 juin à 9 heures, métro «La Muette», Delestraint est à l’heure au rendez-vous où l’attendaient deux agents de la gestapo : «Mon Général Didot (Pseudo de Hardy) ne peut venir, nous devons vous conduire à lui.» Delestraint, confiant, monte dans le taxi qui attendait, direction rue des Saussaies. Le piège a parfaitement fonctionné et Hardy sera présent à la réunion de Caluire qui doit désigner le remplacement de Delestraint où il n’était pas convié.
Le conflit mené par Frenay contre Delestraint continue de s’aggraver au point que Moulin dans un de ses rapports à Londres s’en ouvre à Charles de Gaulle.
Mai 1943, la reconnaissance du principe de la nécessité des actions immédiates est admise, par le fait que la poursuite de la lutte armée en zone Nord, à l’initiative des communistes et la multiplication des maquis en zone Sud oblige de Gaulle à la reconnaître.
4 juin 1943, rapport de Jean Moulin à Londres «… Le Général Delestraint fait en ce moment un travail considérable. Mais il le fait pratiquement seul et prend des risques excessifs du fait qu’il n’est pas secondé» et il ajoute «Je suis recherché maintenant tout à la fois par Vichy et la Gestapo qui, en partie grâce aux méthodes de certains éléments des Mouvements, n’ignore rien de mon identité ni de mes activités. Je suis bien décidé à tenir le plus longtemps possible, mais si je venais à disparaître, je n’aurais pas eu le temps matériel de mettre au courant les successeurs».
Jean Moulin affirme, sans détour, que l’organigramme de l’Armée secrète est connu des services allemands et il ne se trompe pas car le 27 mai, Henri Aubry, un proche de Delestraint qui devait prévenir René Hardy (pseudo Didot) du rendez-vous fixé à la sortie du métro «La Muette», rédigea un message en clair à déposer dans une boîte aux lettres situé au 14 rue Bouteille à Lyon au nom de Madame Dumoulin. Cette boîte était celle du réseau de René Hardy (Résistance Fer) qui était «brûlée» et surveillée.
La propriétaire avait été arrêtée, son appartement devenu un piège. La lettre fut interceptée et si Henri Aubry apprit que la boîte était découverte par la gestapo, il ne donne pas cette information à Delestraint. Le piège se referme, le 7 juin, deux agents de la gestapo arrêtent René Hardy en route pour Paris à Chalon-sur-Saône et le conduisent devant Klaus Barbie, qui le relâche. Hardy, étrangement, dissimule son arrestation et, pire, sera présent à la réunion de Caluire où il n’est pas invité. Ce lundi 21 juin 1943, son évasion lors de l’arrestation de tous le présente comme sa libération précédente le désigne coupable.
Dans le même temps, Delestraint est depuis le soir du 5 juin dans un appartement du boulevard Murat, du 6 au 8 juin. Il reçoit des responsables de l’OCM (Organisation civile et militaire) et de ceux de la Résistance. Le 9 août, avant son rendez-vous, il se rend à la messe de Notre-Dame d’Auteuil. À 9 heures, il est sur le lieu du rendez-vous, c’est trop tard, le piège se referme en douceur, porteur de ses papiers personnels, il se contenta de reconnaître qu’il est le chef de l’Armée secrète et aux ordres du Général de Gaulle, les interrogatoires se succèdent avenue Foch pendant plus de cinquante heures.
En mars 1944, il est interné au camp de Struthof-Natzweiler.
Le samedi 13 janvier 1945, il est emprisonné à Dachau et mis à la disposition du tribunal de Breslau, mais il ne fut pas traduit devant le «Tribunal du Peuple» aux nombreuses condamnations à la peine capitale, mais ce qui ne change en rien la décision prise à Berlin d’abattre Delestraint à Dachau.
L’exécution eut lieu le jeudi 19 avril 1945, dix jours avant l’arrivée de l’US Army, elle se déroule à la fin de la messe où il fut appelé par deux officiers de la SS, lui faisant croire à un transfert en vue de sa libération, et qu’il devait faire ses bagages, c’est sur le chemin des locaux administratifs qu’il fut abattu d’une balle dans la nuque, le corps et ses objets personnels incinérés.
Jean-Pierre Raynaud
Clichy-la-Garenne, dimanche 18 Juin 2023