Entrer dans la crypte du Mont-Valérien procure toujours une vive émotion : 16 cénotaphes recouverts d’un drapeau tricolore imposent leur présence silencieuse. Le désir vient tout naturellement de connaître les noms de ceux qui sont honorés en ces lieux. La liste affichée au mur réserve une surprise, le nom d’une femme inconnue du grand public…alors qu’elle fut une grande figure de la Résistance : Berty Albrecht.
Née en 1893 à Marseille, dans une famille de la grande bourgeoisie protestante, infirmière diplômée, elle travaille pour la Croix-Rouge et rencontre, en 1918, Fréderic Albrecht, banquier. Ils se marient et ont deux enfants. En 1932, le couple se sépare.
A Paris, elle se lie avec Victor Basch, président de la Ligue des Droits de l’Homme. Favorable à la contraception et à l’avortement, elle milite pour la cause des femmes. Après avoir suivi une nouvelle formation, elle devient assistante sociale et travaille aux usines Fulmen de Clichy et Vierzon.
Dès 1933, effrayée par la montée du nazisme, elle accueille chez elle des réfugiés allemands fuyant le pouvoir hitlérien. C’est dans ce cadre qu’elle fait la connaissance d’Henri Frenay. Après la capitulation de Pétain, elle retrouve Henri Frenay à Vichy où, ensemble, ils participent à la création du « Mouvement de Libération Française ». Début 1941, ils publient un journal, « Les Petites Ailes », qui deviendra « Vérités » et, en novembre, « Combat » dont le tirage atteindra 100 000 exemplaires ; ce journal porte le même nom que leur mouvement de Résistance qui, non sans réserves, reconnaît l’autorité du général de Gaulle.
Les activités de Berty Albrecht attirent l’attention de la police, elle est arrêtée à deux reprises (octobre 1941- janvier 1942). Faute de preuves, on la relâche. Reprise une troisième fois en avril 1942, elle entame une grève de la faim pour obtenir d’être jugée. Condamnée à 6 mois de prison, elle risque la déportation. Un commando de « Combat » participe à son évasion, le 23 décembre 1942.
Henri Frenay souhaite qu’elle rejoigne l’Angleterre mais elle refuse, disant : « Ah ! Ça jamais ! On ne fait pas la guerre dans un fauteuil en cuir ». Elle reprend l’action auprès de Frenay. La Gestapo l’arrête à Cluny, le 28 mai 1943.Transférée à la prison de Fresnes, elle se suicidera et les Allemands annonceront son décès le 31 mai. Son corps sera retrouvé en mai 1945 dans un cimetière parisien puis transféré au Mont-Valérien.
Cette femme héroïque se mit toute sa vie au service d’autrui. Ses combats avaient portée universelle, sa défense des Droits des Femmes traçait la voie au mouvement féministe. Son engagement dans la Résistance la conduisit au sacrifice de sa vie.
Dans notre mémoire, elle figure au tout premier rang des Résistants.
Georges Duffau-Epstein