La Braconne – Cérémonies 2015

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Ombres et lumières s’animent dans la pénombre sur un groupe de silhouettes de bois, dressées, tout près, totems surgis du sol dans le silence, invitant au recueillement et à la vigilance.

L’Association pour le Souvenir des Fusillés de La Braconne contribue à la connaissance des activités de la Résistance en Charente au cours de la Seconde Guerre mondiale. Elle rappelle un idéal d’émancipation humaine dans un monde devenu pacifique, opposé à toute forme de racisme et de fascisme, tel que l’imagina le Programme du Conseil National de la Résistance. Son actuelle présidente, Michèle Dessendier, est petite-fille de Paul Bernard, ouvrier à la Poudrerie nationale des Trois Chênes à Angoulême, l’un des Résistants fusillés en forêt de Braconne.
L’espace du souvenir, aménagé à partir d’un monument initial inauguré le 13 janvier 1946, a évolué vers sa forme actuelle qui propose un circuit destiné à expliquer ce qui s’est passé dans la clairière proche des lieux de massacre ; on y rend aussi hommage à la Résistance civile en Charente : soixante-huit Résistants, fusillés ou pendus, dont les noms figurent sur huit stèles orientées vers les lieux parfois lointains de leur mort. Depuis soixante-dix ans, deux cérémonies annuelles sont organisées pour commémorer les fusillades perpétrées en ces lieux : six Résistants abattus le 5 mai 1943, dix autres le 15 janvier 1944.
Celle de janvier est organisée par la municipalité de Ruelle-sur-Touvre et l’Union locale des anciens Combattants. Ainsi, dans l’après-midi du jeudi 15 janvier 2015, fut rappelée la fusillade de 1944 : trois séries de salves, dix cadavres ensanglantés traînés vers une fosse commune creusée à proximité, dix corps recouverts de chaux qu’on ne pourra jamais plus différencier. Monsieur Michel Tricoche, maire de Ruelle, prit la parole.
Celle de mai est traditionnellement fixée au dimanche le plus proche de la date anniversaire des fusillades. C’est l’Association pour le Souvenir des Fusillés de La Braconne qui en assure l’organisation avec la municipalité de Brie. Désormais, le rendez-vous du Souvenir est fixé à 11 heures du matin.
Michèle Dessendier a souligné que « l’année 2015 revêt un caractère exceptionnel puisqu’elle commémore le 70e anniversaire du retour des camps de concentration. C’est un devoir de nous rassembler autour de cet événement du passé pour faire un parallèle avec l’actualité du mois de janvier et nous convaincre que tout peut recommencer si nous ne restons pas vigilants. »
Arrière-petit-fils d’un interné au Struthof puis à Dachau, Arthur Fouillé, intervint ensuite avec ses mots et sa sensibilité de 17 ans pour dire son émotion, sa reconnaissance envers les victimes d’hier et certaines de nos inquiétudes d’aujourd’hui.
Un chemin du souvenir, jalonné de pupitres informatifs, mène du sous-bois à la clairière.
J. C.


Clairière de La Braconne : « Chemin du Souvenir » – 2014

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Dans son numéro de février 1946, « Châteaubriant – Journal de l’Association des Familles de Fusillés et Massacrés » relatait l’inauguration, par le Ministre d’Etat Maurice Thorez, du mur et monument élevé en l’honneur des Fusillés de « La Braconne », camp militaire de Charente qui fut investi par l’armée nazie.
Le 18 octobre 2014, l’Association pour le Souvenir des Fusillés de La Braconne (ASFB) conviait la population à l’ouverture officielle du « Chemin du Souvenir », un parcours délibérément pédagogique destiné à faire connaître ce que fut la Résistance civile en Charente. C’était l’aboutissement très attendu des extensions engagées sur le site des fusillades. Ainsi, en 2006, 8 stèles orientées vers les lieux de leur exécution, affichaient les noms de 68 résistants charentais s’ajoutant aux 16 noms des inscriptions de 1946 ; une neuvième stèle, demeurée nue, exprimait par le vide l’anonymat des fosses communes, le silence des archives sciemment détruites, notre ignorance de tortures et d’exécutions sommaires tenues secrètes. Le « Chemin du Souvenir » que notre association a soutenu financièrement, éclaire désormais ce qui s’est passé en forêt de La Braconne.
Un cordon tricolore barrait la dernière ligne droite menant à la clairière. Il fut officiellement tranché et les autorités civiles, guidées par Michèle Dessendier présidente de l’ASFB, découvrirent les nouvelles installations. Un nombreux public suivait. Des enfants et adolescents, membres du Conseil communal des Jeunes de Brie, les attendaient, chargés de présenter brièvement chaque station du parcours et les pupitres d’information successifs.
Non loin, un groupe de 16 silhouettes émergeant du sous-bois figure l’incarnation figée des Fusillés, venus à travers le temps engager les visiteurs à demeurer vigilants, debout et actifs. Musique et voix du poète Michel David ponctuaient les déplacements, psalmodiant les vers inscrits sur chaque pupitre.
Rassemblés dans la clairière, nous avons entendu la présidente de l’ASFB, le maire de Brie, Michel Buisson, le sénateur et président du Conseil général de la Charente, Michel Boutant et le directeur de cabinet du préfet de la Charente, Jérôme Seguy. La délégation de notre bureau national déposa une gerbe et notre drapeau s’inclina au rythme du protocole. Le Chant des Partisans puis La Marseillaise emplirent la clairière.
Rendant compte de cette inauguration La Lettre du Souvenir, diffusée par l’ASFB début novembre 2014, prend acte d’une manifestation contestataire présente sur la route menant au site des Fusillades de La Braconne : il est encore des familles « qui ne souhaitent pas que l’un des noms des Fusillés paraisse dans les textes » imprimés sur les pupitres du « Chemin du Souvenir ». Elles ont exprimé leur désaccord ; nous ne le partageons pas.
Pour les personnes ayant participé à l’inauguration de ce samedi 18 octobre 2014, « Les Fusillés de La Braconne restent vivants dans nos cœurs et dans nos pensées ». En février 1946, notre journal titrait en première page : « Les Morts sont des vivants mêlés à nos combats ».
J.C.


La Braconne – 5 mai 2013

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Le soleil n’est pas encore levé. Dans le silence de la forêt une cinquantaine de personnes se dirige, chacunne à son rythme, vers le monument érigé en souvenir des martyrs fusillés en ce lieu. Ainsi commence la journée de recueillement de l’une des dates marquant les anniversaires des fusillades de 1943 et 1944. « Pas de drapeau. Pas de banderole. Pas de discours. Pas de déclaration, » avait-il été annoncé. « Pas de cortège. Les participants marchent à leur pas. Le silence est total.… Arrivés à la clairière tragique, les participants restent devant le monument. Le silence encore, comme un hommage humble et fervent à ceux qui allaient mourir là, au même moment, le 5 mai 1943… » Trois dernières lettres sont lues, sans micro, (« presque à voix basse – épaules contre épaules »). Les noms de ceux qui les ont écrites ne sont pas donnés : « Leurs lettres parleront pour leurs camarades tombés auprès d’eux pour la même cause et dans la même espérance »… Un instant musical précède le retour du silence bruissant de la forêt. Il est 7 heures, à peine.
La deuxième phase prend place durant l’après midi. Drapeaux en tête, une cérémonie importante, à laquelle participent de nombreuses personnalités locales, départementales et régionales, se déroule devant la stèle. Après les dépôts de gerbes et l’appel aux morts, Georges Duffau-Epstein, président de notre association, prononce un discours dont les thèmes sont ceux de l’éditorial de ce numéro de « Châteaubriant ». Devant le monument, les enfants de l’école de Brie déposent les fleurs-oiseaux qu’ils ont eux-mêmes fabriquées. Enfin, cinq comédiennes donnent vie à un montage établi à partir de 4 lettres de Fusillés, encadrées par le témoignage de l’aumônier allemand requis pour accompagner à la mort les sacrifiés.
Durant toute la cérémonie, l’émotion est palpable. La présence des enfants des écoles « est comme le signe d’une victoire sur l’oubli ».
Nous avons déposé, parmi les autres, la gerbe de notre association.
G D-E – J C

Discours de la Braconne

 » 70 ans déjà que des événements importants marquèrent l’histoire de la libération de la France. Ici même des patriotes tombèrent sous les balles nazies parce qu’ils luttaient pour la liberté. Retournons 70 ans en arrière. Février 1943, le monde entier apprend la surprenante nouvelle, les troupes soviétiques viennent d’écraser à Stalingrad les armées nazies.
Très vite la radio de Londres et toutes les organisations de Résistance relaient l’information en direction du peuple français. Un immense espoir se lève. La preuve est faite qu’Hitler et ses alliés peuvent être vaincus. Ce qui pour certains n’était qu’une utopie se transforme en quasi réalité. La Résistance, toute la Résistance y voit un encouragement à poursuivre le combat. Comme le dit si bien « le Chant des Partisans » : ami si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place. La mobilisation va plus loin et de nombreux patriotes s’engagent dans la Résistance, soit au sein de la France libre où Résistance extérieure, soit dans les réseaux qui luttent sur le territoire national.
Ce mouvement va s’amplifier avec la mise en place, par le gouvernement collaborationniste de Pétain, du Service du Travail Obligatoire connu sous le nom de STO. Les jeunes qui refusent d’aller travailler en Allemagne pour la machine de guerre nazie rejoignent en grand nombre les maquis ce qui n’est pas sans poser des problèmes d’organisation. Cet afflux de jeunes n’est pas facile à gérer mais les organisations de Résistance font face, et les maquis des Francs Tireurs et Partisans Français, ceux de l’Armée Secrète et d’autres organisations se développent et entament le combat.
Les petits ruisseaux commencent à couler dans le même sens et le fleuve qui aidera les troupes alliées après le débarquement du 6 Juin 1944 se met en place progressivement. Ce mouvement continu va s’amplifier et le territoire français sera de moins en moins sûr pour les occupants allemands et italiens. La Résistance politique s’élargit et il en est de même de la Résistance armée. Si les FTPF ont les premiers entamés ce combat qui conjugue, sabotages, renseignement, attentats contre les troupes d’occupations, etc. tous les autres mouvements de Résistance reprennent à leur compte les attentats contre des soldats isolés ou des unités entières.
La guérilla urbaine qui constituera l’originalité de la Résistance Française prend un grand essor et l’armée allemande doit revoir ses dispositifs afin de faire face aux attaques incessantes de la Résistance. Celle-ci poursuit son travail d’unification et dés Janvier1943 les mouvements de Résistance de la zone sud se regroupent au sein des MUR (Mouvements Unis de Résistance) c’est ainsi que Combat (Henri Frenay), Franc-Tireur (Jean-Pierre Levy), Libération Sud (Emmanuel d’Astier de la Vigerie et Raymond Aubrac) unissent leurs forces. Ce mouvement ne s’arrêtera plus et la Résistance intérieure va rapidement présenter un visage unique avec des facettes multiples. En avril 1943 les forces syndicales scellent la réunification, la CGT et la CGTU signent les accords du Perreux et se retrouvent unies pour combattre le nazisme.
Le travail inlassable de Jean Moulin, envoyé spécial du Général De Gaulle en France occupée aboutira le 27 Mai à la création du Comité National de la Résistance. Tous les mouvements de Résistance, tous les partis politiques engagés dans ce combat ainsi que les syndicats se retrouvent ensemble sous la présidence de Jean Moulin. Malheureusement il sera arrêté peu de temps après. Il décédera dans le train qui le transportait en Allemagne après son arrestation à Caluire. Sa mort n’arrêtera pas le travail du CNR. Et celui-ci ne va pas se contenter d’organiser la Résistance au jour le jour, il va surtout réfléchir à la France du lendemain et il va adopter un document fondamental : Le programme du Conseil National de la Résistance. Celui-ci servira de base pour l’action du gouvernement du Général de Gaulle à la Libération. Ce gouvernement dit « tripartis » parce qu’il réunissait trois partis politiques, le parti Communiste, la SFIO (parti Socialiste de l’époque) et le parti du Mouvement Républicain Populaire ( Démocrates Chrétiens) appliqua les mesures préconisées par le CNR.
Aujourd’hui le programme du CNR reste le socle de l’organisation sociale de la société française. Nous ne devons pas l’oublier car les résistants se battaient pour les valeurs, de solidarité, de progrès social, de liberté et de refus de tous les racismes, contenus dans ce programme. Il reste d’une actualité évidente et ces valeurs sont toujours les nôtres. 1943 c’est aussi le début de la Libération du territoire national avec la libération de la Corse à partir de début Septembre. Il faut alors réorganiser les services de la République, c’est à quoi va s’employer le CFLN (Comité Français de Libération Nationale) présidé à Alger par les généraux, de Gaulle et Giraud. Petit à petit toutes les pièces du puzzle se mettent en place pour qu’à la Libération il n’y ait pas de vacance du pouvoir et que des autorités françaises légales dirigent à nouveau sans faire appel à une administration provisoire gérée par les alliés et parmi eux les Américains. Si la Résistance se développe, il en est de même de la répression par les nazis et leurs alliés du gouvernement de Pétain. Celle-ci s’amplifie. Sur l’ensemble du territoire des arrestations de plus en plus nombreuses ont lieu et le nombre des fusillés augmente dans de grandes proportions. Nous sommes ici pour rendre hommage à ceux qui ont été fusillés sur ce site. Ils sont un exemple parmi d’autres de la barbarie nazie. Dans tout le pays les arrestations se multiplient, elles sont, dans leur grande majorité le fait de la police française qui collaborait avec l’occupant. Certaines arrestations sont symboliques de l’état d’esprit qui animait la Résistance. C’est ainsi qu’a Paris en Novembre 1943 les sinistres brigades spéciales arrêtèrent les FTP-MOI dits du groupe Manouchian. A la suite d’une longue filature de plus de trois mois, 56 résistants sont appréhendés. Le 16 Novembre 1943 Missak Manouchian et son supérieur hiérarchique, Joseph Epstein, commandant militaire des FTP de la région parisienne sont arrêtés à Evry Petit Bourg, maintenant Evry tout simplement. Avec leurs camarades ils sont torturés et après des parodies de jugement ils seront fusillés au Mont Valérien.
L’exécution du groupe Manouchian eut lieu le 21 février 1943 et celle de mon père, Joseph Epstein le 11 avril 1944. Malgré les tortures il n’avait pas donné son nom réel et il a été fusillé sous un nom français. C’est la raison pour laquelle il ne figure pas sur la célèbre « Affiche Rouge ». Ces résistants avaient des origines diverses, ils venaient de pays où souvent ils avaient connus le fascisme. Ils avaient choisis la France comme nouvelle patrie et ils sont tombés pour notre liberté aux côtés de leurs camarades français. Ce sont les valeurs du CNR qui définissaient leur combat commun. Nous qui vivons, grâce à leur combat, dans un pays démocratique nous ne devons pas l’oublier. Il nous faut nous approprier ces valeurs et faire en sorte qu’elles soient celle de la nation toute entière. Nous ne pouvons admettre que dans notre pays ou dans d’autres pays d’Europe elles soient remises en cause par des « négationnistes » qui se réclament de l’héritage du fascisme et de ses politiques d’exclusion. La liste de pays où se produisent ces résurgences est longue. Je citerai, entre autres, la Grèce, la Hongrie, les Pays baltes, l’Autriche, la Suisse et la Norvège ou l’année dernière un massacre de jeunes perpétré au nom de la pureté de la race.
Nous ne pouvons rester insensibles à ce renouveau de l’extrême droite et si nous voulons rester fidèles à nos martyrs il nous faut poursuivre le combat pour les valeurs qui étaient les leurs. Ils ont donnés leur vie pour notre liberté, souvenons nous en et soyons en dignes. »