L’année du 75e anniversaire de la libération des camps, c’est aussi le 79e anniversaire de l’arrivée des premiers patriotes dans l’ancien sanatorium de la Bucaille pour faits de Résistance. Nombre d’entre eux sont des ouvriers, syndicalistes, militants associatifs, élus municipaux, parlementaires, conseillers généraux et maires. Beaucoup sont fichés par la police de la sûreté Nationale depuis la chute du Front Populaire.
Le sanatorium est installé au coeur de la forêt de la Bucaille en Seine-et-Oise, aujourd’hui Val d’Oise (95). Il est isolé de toute habitation. Les malades sont expulsés. L’établissement devient un camp entouré de barbelés, surmonté de miradors. Le préfet est un collaborateur zélé, aidé par le commissaire Andrey, une brute qui fait régner la terreur aidé par une légion de gendarmerie et autres gardes mobiles.
La répression et la persécution qui depuis les pleins pouvoirs de Pétain monte sans cesse en puissance et fin décembre 1940, on compte 670 détenus. Ils sont envoyés aux centrales de Fontevraud et Poissy et aux camps de Châteaubriant, Voves et Rouillé. Parmi ceux-ci, figurent les fusillés du 22 octobre 1941 à Châteaubriant. Pendant les 20 mois de fonctionnement, 1 500 enfants, femmes, hommes y seront détenus et dirigés comme otages vers les pelotons d’exécution et les camps de concentration. Deux cent d’entre eux sont dans le convoi des 45 000 du 6  juillet 1942. Le 4 décembre 1940, 100 détenus sont transférés à Châteaubriant et 54 le 6 avril 1941. Le 27 juin 1941, 85 détenus sont transférés à Compiègne et 26 le 6 février 1942. Le 6  septembre 1942, 150 sont transférés à Rouillé. Les trois derniers transferts à Voves précèdent la fermeture le 15 décembre 1942. Depuis le 11 novembre 1942, franchissement de la ligne de démarcation par la Wermacht, les masques sont tombés. Vichy perd le peu de légitimité qui semblait lui appartenir et il lui revient de suppléer le Reich là où il n’est pas en capacité de fournir des forces pour les opérations policières et de maintien de l’ordre, d’enquêtes et de filatures.
Vichy va mettre en oeuvre les lois de réquisitions d’une main d’oeuvre servile de jeunes français à l’heure de la guerre totale pour travailler dans les usines allemandes. Le camp d’Aincourt va subir une transformation sous les directives du secrétaire général à la police René Bousquet qui répartit avec le chef supérieur de la SS en France les tâches entre les polices françaises et hitlériennes. Aincourt devient un centre de formation des groupes mobiles de réserves. Ces groupes sont engagés aux cotés de la milice, notamment aux Glières et dans le Limousin.
Aujourd’hui, une stèle porte un texte qui rappelle que ce bel endroit à proximité d’un jardin japonais
a été aux heures où la France était livrée à l’occupant allemand un lieu de souffrance et de désespérance pour ceux qui avaient choisi la Résistance ou ceux qui sans autre raison que leur appartenance à une religion se trouvaient désignés pour mourir par l’idéologie nazie. Leur souvenir est commémoré chaque année début octobre.
Jean Pierre RAYNAUD

Article paru dans Chateaubriant N°273