MONT-VALÉRIEN (92)

Spectacle au Mont Valérien du samedi 3 juin 2017

Spectacle « Promotion Liberté », écrit par Evelyne Loew, monté par l’équipe des Tréteaux de France et interprété par les élèves du Lycée Le Corbusier d’Aubervilliers.


Le Mont Valérien en quelques chiffres

Situé dans la commune de Suresnes (Hauts-de-Seine), le Mont-Valérien détient un triste privilège. C’est le lieu où, en France, les nazis ont fusillé le plus grand nombre de patriotes durant la période 1941-1944. Aujourd’hui 1 008 noms sont inscrits sur le monument du souvenir. Ce chiffre n’est sûrement pas définitif, il est susceptible d’évoluer avec la découverte de nouveaux éléments, comme cela s’est produit depuis l’inauguration du monument le 20 septembre 2003.
Commençons par les grands équilibres. La totalité des fusillés est de sexe masculin. Les Allemands ne fusillaient pas les femmes. Elles étaient guillotinées. 80 % des exécutés (résistants et otages) étaient communistes. Les études récentes, en particulier celles de Thomas Fontaine, montrent que cela correspond à une volonté des nazis ; ils fusillaient ceux qu’ils considéraient comme les plus dangereux donc principalement les communistes. La déportation était plutôt appliquée aux autres résistants, mais les comunistes étaient nombreux au sein des déportés de répression. Parmi les otages – qui représentent 40 % des fusillés – 90 % étaient ce que les nazis nommaient des judéo-bolchéviques. Ceci est le révélateur du fait que le choix des otages était dirigé politiquement. Il s’agissait d’éliminer en priorité ceux considérés comme les opposants les plus déterminés au fascisme. 17 % des suppliciés étaient d’origine juive et 29 nationalités sont représentées.
Les Français d’origine représentent 79 % des exécutés. Ceci signifie que les étrangers sont bien plus nombreux en pourcentage que ce qu’ils représentent de la population totale vivant en France.
Toutes les tranches d’âge sont présentes, mais il apparait évident que les résistants étaient jeunes. Les moins de 40 ans sont 69 % de la population concernée.
Ces quelques éléments permettent de se faire une idée de la politique répressive appliquée par les nazis. On peut raisonnablement penser que les chercheurs auront dans les années à venir accès aux documents de l’armée allemande afin de pouvoir valider définitivement les hypothèses faites. Toutefois, il est à craindre qu’un grand nombre de documents ait été détruit par les Allemands eux-mêmes lors de la Libération de Paris. Cela ne change rien à la barbarie. Les fusillades furent massives et visaient à empêcher, par la mise en place d’une politique de terreur, toute vélleité de résistance. Mais personne ne peut opposer à la volonté d’un peuple. Les fusillés ne sont pas morts en vain.

Georges DUFFAU-EPSTEIN


Mont-Valérien 2016

Le promeneur qui découvre l’esplanade du Mont Valérien le 3 juin en fin d’après midi est surpris de constater qu’elle est envahie par de jeunes lycéens qui jouent, sur la scène qui occupe exceptionnellement le lieu, un spectacle consacré à « Résister par l’Art et la Littérature ». Il s’agit de trois classes du lycée Le Corbusier d’Aubervilliers qui sous la direction de trois acteurs de la Compagnie des Tréteaux de France (dirigée par Robin Renucci) répètent le spectacle qu’ils vont jouer le lendemain devant les participants à la cérémonie d’hommage aux fusillés du Mont Valérien.
Effectivement le 4 juin le spectacle commence précédé de la lecture par Robin Renucci de la dernière lettre de France Bloch-Serrazin guillotinée par les nazis.
Les jeunes lycéens nous communiquent leur enthousiasme et les acclamations qu’ils reçoivent à la fin de leur prestation sont méritées. Conçue à partir de textes lus à la BBC par les membres de l’émission « Les Français parlent aux Français », l’évocation historique nous plonge au sein de cette période héroïque et nous fait revivre toute les années de la seconde guerre mondiale. Quel travail ! Un grand merci à tous ceux qui ont conçu et interprété ce magnifique hommage. Oui un grand merci à Evelyne Loew, Judith d’Aleazzo, Julien Leonelli, Sylvain Méallet et aux lycéens.
Il faut souligner que cette année la scène était installée face aux gradins du Mémorial de la France Combattante et que cette disposition apportait une nouvelle solennité au spectacle.
La cérémonie, toujours très digne, était placée sous le signe de la jeunesse .Les lauréats du Concours National de la Résistance et de la déportation des Alpes Maritimes étaient présents ainsi que les élèves du Lycée Allemand de Paris.
Il en était de même d’une classe du Collège Danton de Levallois.
La pluie nous ayant épargné nous avons pu profiter de tout ce qui avait été prévu par les organisateurs. Je citerai la Musique des Gardiens de la Paix de Paris , présente pour la première fois, la chorale L’UT en Chœur et les comédiens des Tréteaux de France qui ont lu dans la clairière d’émouvantes lettres de fusillés.

 Georges DUFFAU-EPSTEIN

VIDÉO DU SPECTACLE


Mont-Valérien 2015

Samedi 30 mai – Nous sommes sur l’esplanade « Abbé Stock », face au Mémorial de la France combattante où va débuter comme chaque année la cérémonie d’hommage aux Fusillés du Mont-Valérien et de l’Ile-de-France. Un spectacle s’achève et le public applaudit les artistes, Sophie de La Rochefoucauld, Viviane Théophilidès, Anna Kupfer et les jeunes, filles et garçons, du Lycée d’Aubervilliers qui, par des poèmes et des chants, viennent de témoigner « du retour des déportés et de la victoire sur le nazisme ».

15 heures – Un cortège s’est constitué avec, à sa tête, une quarantaine de drapeaux groupés derrière ceux de l’Association pour le Souvenir des Fusillés du Mont-Valérien et de l’Ile-de-France et de notre propre association dont le porte-drapeau cette année est la tourangelle Claudette Sornin. De nombreuses personnalités honorent de leur présence l’hommage rendu aux fusillés : le préfet des Hauts-de-Seine, deux ambassadeurs, le grand chancelier de l’Ordre de la Libération, des élus territoriaux (conseil régional, conseils départementaux, communes), des personnalités politiques ou syndicales. Suit la foule des familles et amis des martyrs abattus au fort du Mont-Valérien pendant la 2ème guerre mondiale : résistants français ou étrangers arrêtés partout en France puis regroupés dans des prisons parisiennes « réserves d’otages » (Cherche-Midi, Santé, Fort de Romainville)…

La cérémonie commence par un dépôt de gerbes autour de la flamme qui brûle devant les portes de la crypte du mémorial. Représentants des autorités civiles et militaires se succèdent par petits groupes et fleurissent l’espace. Puis, les familles des fusillés rejoignent les personnalités pour honorer la mémoire des morts sur les lieux mêmes des fusillades. On entre dans le fort, on traverse la crypte aux 16 cénotaphes et, lentement, chacun gravit les nombreuses marches menant au site. Un tunnel sombre débouche sur une clairière encaissée dans un petit bois où les martyrs furent passés par les armes. A gauche, un mur de casemate. Au centre, une grande dalle rappelant le sacrifice des héros. Au fond, un sentier dégringole vers les lieux du supplice. L’endroit est étouffant et solennel.

Les honneurs sont rendus. L’émotion est sensible à la lecture de deux dernières lettres de fusillés que ponctuent les interventions de la Chorale populaire de Paris : « La Complainte du Partisan », « Le Chant des Partisans » et « La Marseillaise ». Le silence retombe sur la clairière. C’est fini ! La foule se disperse lentement ; certains reprennent l’escalier vers les lumières de la vie d’aujourd’hui ; d’autres prolongent leur pèlerinage, remontant le sentier vers la chapelle où certains fusillés ont passé leurs derniers instants avant d’être conduits au poteau. En face, « la Cloche », le monument dédié en 2003 « aux résistants et aux otages fusillés au Mont-Valérien par les troupes nazies (1940-1944) et à tous ceux qui n’ont pas été identifiés ». A côté, une exposition permanente, « Résistance et répression 1940-1944 », retrace le parcours des fusillés, depuis leur arrestation jusqu’à leur mise à mort.

Hélène Biéret.

 


7 juin 2014, Mont-Valérien

Placée sous le haut patronage du Secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants et à la Mémoire, la cérémonie annuelle organisée par l’Association pour le souvenir des Fusillés du Mont-Valérien et de l’Ile-de-France, s’est déroulée le 7 juin dernier devant un nombreux public. Annoncée sous le titre « S’unir pour vaincre le fascisme et pour reconstruire la France », elle était présentée dans des termes qui font écho à nos propres objectifs : poursuite du travail de mémoire – diffusion des valeurs de la Résistance – lutte pour la liberté, la démocratie et le progrès social, rejet de tous les racismes, de tous les négationnismes…

Dès 14h, le public a pris place à l’extérieur du Fort du Mont-Valérien, sur l’esplanade Franz-Stock, du nom de l’aumônier militaire allemand qui accompagna, dans le respect des convictions intimes de chacun, les otages et condamnés à mort passés par les armes dans la forteresse.
Le rassemblement populaire a débuté avec le spectacle préparé et interprété par Mesdames Sophie de La Rochefoucauld et Viviane Théophilidès.

L’évocation mise en scène abordait la libération du territoire et le retour à la République ; elle était construite à partir de textes en prose, de poèmes et de chants servis par les vibrantes prestations d’un groupe de jeunes comédiennes et comédiens du Lycée Jean Jaurès de Montreuil. Marie Ruggieri (chanteuse) et Christian Belhomme (pianiste) les accompagnaient et les complétaient avec talent.

À partir de 15h30, se déroulèrent les hommages publics. Tout d’abord, sur le parvis, face aux drapeaux disposés de part et d’autre de la monumentale croix de Lorraine du Mémorial de la France combattante, où cinquante-deux gerbes (un record !) ont entouré la vasque de bronze où brûle la Flamme de la Résistance ; puis, dans « La Clairière  » à l’intérieur du fort, sur les lieux mêmes des fusillades, pour la lecture de dernières lettres de fusillés. La chorale « Chantons Liberté » de Poitiers y interpréta Le Chant des Partisans  , La Complainte du Partisan et La Marseillaise. La prestation a été unanimement appréciée et a contribué à la réussite de cette cérémonie.
Des enfants ont souvent accompagné les élus lors des dépôts de gerbes.

Tout le monde put ensuite se rendre vers les espaces muséographiques de « la Chapelle  », de « l’Écurie » et du monument dédié aux Fusillés, haute « Cloche  » sans battant dont le manteau porte les noms des Fusillés identifiés jusqu’à ce jour.

À 18h, une forte délégation s’est rendue à l’Arc de Triomphe afin d’assister au ravivage de la Flamme du Soldat inconnu.

 


Mont-Valérien, 11 avril 2014

Le soleil est présent pour ce 70ème anniversaire des exécutions du 11 avril 1944. La cérémonie débute par trois allocutions : celle de Georges Duffau-Epstein, fils d’un des fusillés du 11 avril, suivie par le discours de Monsieur Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah et la prise de parole de Madame Rose-Marie Antoine, directrice de l’ONAC, qui met l’accent sur la présence des enfants des établissements scolaires, porteurs de la mémoire dans l’avenir. Elle annonce, en outre, la reconduction de cette cérémonie dans les années futures. Les participants se rendent enfin devant la « Cloche » commémorative et découvrent l’exposition mise en place par le Mémorial de la Shoah.

Intervention de Georges Duffau-Epstein (extraits) :

« Ce n’est pas sans émotion que je m’adresse à vous dans cette clairière, sous ces grands arbres, témoins silencieux du courage des fusillés du 11 avril 1944. Parmi eux il y avait mon père, Joseph Epstein (colonel Gilles dans la Résistance). Il avait 33 ans. Je suis venu ici souvent étant enfant, avec ma mère, puis lors de nombreuses cérémonies. Enfin, j’accompagne sur ce lieu de nombreux groupes d’adultes ou d’écoliers, collégiens et lycéens afin de transmettre l’histoire de ces résistants et faire connaître les valeurs pour lesquelles ils se sont battus avec tant de courage. À chaque fois ma gorge se serre. Je ne peux oublier que mon père a vécu ici ses derniers instants.

11 AVRIL 1944, 22 PATRIOTES TOMBENT EN CE LIEU :
« Leurs noms figurent sur le monument du souvenir que l’on doit au talent de Pascal Convert. Erigée à l’initiative de Robert Badinter, La Cloche, comme tout le monde la nomme, a pour tout décor les identités des 1008 Résistants et Otages identifiés qui ont été exécutés par les nazis dans ce fort.
« Ils combattaient au sein de la Résistance. Ils avaient choisi la voie difficile du combat contre l’occupant et le gouvernement de Pétain.
« Ils défendaient des valeurs universelles : la liberté, le progrès social, la lutte contre tous les racismes (…). La démocratie était leur objectif. Ils étaient très nombreux à appartenir aux Francs-Tireurs et Partisans Français mais aussi à l’ensemble des autres mouvements de Résistance.
« Ils ont été fusillés ici et la mort n’a pas fait de différence entre eux. Quels que soient leurs origines sociales, leurs engagements politiques (communistes, socialistes, gaullistes, sans appartenance politique), leurs engagements syndicaux, leur religion quand ils en avaient une (catholiques, protestants, juifs, musulmans), l’amour de leur pays était le plus fort. Ce pays, la France, ils y étaient nés ou ils l’avaient choisi(e) comme terre d’accueil comme mon père, Polonais de naissance. Il est d’ailleurs difficile de citer tous les pays qui les ont vu naître tant ils sont nombreux. Pratiquement, tous les pays d’Europe sont représentés y compris l’Allemagne car des antifascistes d’origine allemande combattaient dans la Résistance. Souvenons-nous qu’un des plus jeunes, fusillé de cette clairière, se nommait Karl Shoenaar. Il avait 17ans et son père, communiste allemand, était mort en 1938 dans un camp de concentration nazi. Pour certains, le combat contre le nazisme avait débuté dans leur pays d’origine et s’était poursuivi dans les rangs des Brigades Internationales qui se battaient contre Franco au côté des Républicains espagnols.

11 AVRIL 1944 :
«…La victoire était proche mais la répression continuait à s’abattre sur la Résistance. Dans leur grande majorité, ils avaient été arrêtés par la police française aux ordres du gouvernement collaborateur de Vichy. Certains avaient été jugés par des tribunaux allemands et ce sont des soldats de l’armée d’occupation qui les fusillaient (…).
« Ces combattants de l’ombre ne se contentaient pas de la lutte, ils avaient une conscience aigüe des réalités et de la nécessité de construire une perspective. Sous l’égide de Jean Moulin, représentant du général de Gaulle en territoire occupé, ils avaient su s’entendre au sein du Conseil National de la Résistance qui réunissait tous les partis politiques qui résistaient, les syndicats et les mouvements de résistance. Ils ont uni leurs efforts pour construire la France de demain. Cet organisme, malgré les difficultés de la clandestinité, adopta un programme révolutionnaire pour l’époque, qui fut mis en œuvre par le gouvernement dirigé par le Général de Gaulle à la Libération. Communistes, socialistes et démocrates chrétiens ont commencé à bâtir ensemble ce qui est encore le fondement de la société dans laquelle nous vivons. N’oublions pas que la sécurité sociale, la retraite par répartition, la liberté de la Presse, le vote des femmes ont été mis en place par ce gouvernement d’union.

« Dans cette clairière, je repense à l’ultime message de mon père. Dans sa dernière lettre, écrite trois heures avant de mourir, il me disait : «…Je tomberai courageusement mon petit Microbe chéri, pour ton bonheur, le bonheur de tous les enfants et de toutes les mamans ». Et il ajoutait encore, en ultime message dans la marge : « Vive la liberté, vive la France ».

« Ces simples paroles résument bien le sens de leur combat à tous.
« Ils ont donné leur vie pour que nous vivions dans un pays libre et démocratique. Il est de notre devoir de continuer leur combat parce que les valeurs qu’ils défendaient sont toujours des valeurs actuelles.
« Face à ceux qui veulent récrire l’histoire, nous affirmons que seules ces idées nous permettront de continuer à vivre dans un pays ou règne la liberté, l’égalité et la fraternité. »

 


CÉRÉMONIE COMMÉMORATIVE AU MONT-VALÉRIEN (2013)

21 février 1944 – 21 février 2014 … 70 ANS

Il y a 70 ans déjà que les combattants FTP-MOI de « l’Affiche Rouge » ont été exécutés au Mont-Valérien par les nazis. 22 combattants courageux sont tombés ce jour-là parce qu’ils s’étaient dressés contre la barbarie. La grande majorité d’entre eux étaient d’origine étrangère mais ils luttaient pour la libération de la France avec les autres résistants. Olga Bancic, arrêtée avec eux, fut guillotinée en Allemagne le jour de ses 32 ans, parce que les allemands ne fusillaient pas les femmes. Quant à Joseph Epstein, responsable militaire de l’ensemble des FTPF de la région parisienne, interpellé par les brigades spéciales de la police française avec Missak Manouchian, responsable des FTP-MOI, il sera exécuté au même endroit, mais le 11 avril 1944.

François Hollande, président de la République s’est rendu au Mont-Valérien, le 21 février 2014, afin de rendre hommage à ces combattants. Dans son discours il a rappelé leurs origines et le sens de leur combat pour que vive la France. Une assistance nombreuse a participé à cet hommage dont il faut souligner l’importance. Que le président de la République en personne prononce le discours en cette occasion montre à l’ensemble de la population française l’intérêt et le sens du combat libérateur de ces résistants. François Hollande poursuivit en indiquant les noms des quatre figures illustres dont les restes seront transférés au Panthéon, le 27 mai 2015, lors de la journée de la Résistance : Geneviève Anthonioz de Gaulle, Germaine Tillion, Pierre Brossolette et Jean Zay rejoindront Jean Moulin au Panthéon.

Il est juste que cette période de notre histoire prenne toute sa place au Panthéon, toutefois nous pouvons déplorer qu’une composante essentielle de la résistance ait été oubliée dans le choix des personnalités retenues. Nous regrettons cet oubli, tout en redisant notre accord au symbole politique que représente cette décision. Espérons que notre souhait sera entendu et que très rapidement la Présidence de la République ajoutera un nouveau nom pour personnifier la Résistance au Panthéon.

Georges Duffau-Epstein


 

Mont-Valérien, 2 juin 2012

Il fait un magnifique soleil. La chaleur est accablante, pourtant très vite l’assistance est captivée par le spectacle que présente François Beaulieu : « Et c’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière ».

Durant une heure, sa voix chaude, remarquablement accompagnée par un talentueux pianiste, évoque et fait vivre La Résistance sous toutes ses formes. L’émotion est palpable et les applaudissements éclatent, presque à regret…car chacune et chacun voudrait que le spectacle se poursuive tant il touche au plus profond de l’être. Se déroule ensuite la traditionnelle cérémonie d’hommage aux Fusillés tombés en ces lieux au cours de la Seconde Guerre mondiale : dépôts de gerbes devant le Mémorial de la France Combattante, en présence de la représentante du Ministre des Anciens Combattants récemment nommé, lectures de poèmes et de lettres de Fusillés dans la clairière, suivies du Chant des Partisans, de L’Affiche rouge et de La Marseillaise interprétés par la Chorale Populaire de Paris. La foule peut ensuite aller se recueillir devant conçu par Pascal Convert pour honorer et pérenniser le souvenir des Fusillés, tous les Fusillés victimes des nazis.

La participation de beaucoup de jeunes nous a émus, c’est là un signe d’espoir et d’encouragement pour nous. Notre présence au Mont-Valérien chaque année répond autant à un devoir qu’à une nécessité, celle de voir perdurer la mémoire des héros, célèbres ou anonymes, dont les combats et les sacrifices ont rétabli la liberté dont nous jouissons aujourd’hui.

Mont-Valérien : haut-relief exemplaire

« Honorer toute la France combattante » tel est, à l’évidence, le discours officiel que servent les divers aménagements du site du Mont-Valérien. Un décret présidentiel, pris par le Général de Gaulle en novembre 1958, y avait prévu la construction d’un Mémorial de la France combattante. Les différentes mémoires devaient y cohabiter en toute sérénité. Simple et consensuel en apparence, le programme demeurait complexe s’agissant de mémoires diverses, voire antinomiques. Le Mémorial fut inauguré en 1960.

Faisant face à une esplanade de plus de 10 000 mètres carrés, un mur monumental (10 m de haut – 100 m de long) encadre un contre-mur en grès rose des Vosges qui exhibe, en son milieu, une croix de Lorraine s’élevant à 12 m. La flamme du souvenir brûle en permanence au pied de la croix. De part et d’autre, 16 hauts-reliefs de bronze, tous inscrits dans un carré, jaillissent en saillie de la paroi. Ils sont nommés et présentés sur deux tablettes, au bas des gradins réservés au public des cérémonies, à gauche et à droite, sur l’esplanade. Ces sculptures, œuvres de commande, soulignent la diversité des combats menés contre l’Allemagne hitlérienne et nous disent que, derrière le Général de Gaulle, avec les Alliés, l’armée française reconstituée a bouté l’ennemi hors de France ; les Résistants, se joignirent à ces combats et participèrent à la libération du territoire national. L’emplacement du Mémorial a été choisi « symboliquement … contre le glacis sud-est du fort, c’est-à-dire le plus proche de la Clairière des Fusillés » enclose dans l’enceinte militaire.

Marquée par la pensée dominante et l’esthétique de l’époque de son édification, la façade du monument exalte l’heureuse et efficace renaissance de l’armée française derrière un chef charismatique, Charles de Gaulle. Le grand mur aveugle et sa croix démesurée ne masquent-ils pas un peu la drôle de guerre, la défaite, les compromissions qui s’ensuivirent ?

Les sujets retenus pour illustrer cette façade méritent attention : 11 sur 16 parlent de villes (6 françaises – 2 italiennes – 2 lybiennes – 1 norvégienne) ; 7 sont consacrés à des unités militaires (dont 4 chefs sont nommés dans les commentaires) ; 4 évoquent les civils anonymes : « Maquis », « Déportation », « Action », « Fusillés ».

L’esthétique principalement sollicitée est figurative, usant de symboles ou d’allégories ; l’académisme est assumé, jusqu’à l’emphase efficace parfois : glaives, chaînes brisées, barbelés agressifs, animaux menaçants ou menacés…Toute une époque est là ! Une seule tentative, due à Maurice Calka, ose délibérément l’abstraction et provoque parfois l’incompréhension : « Fusillés ». Un jour, un enfant interloqué me demanda : « C’est quoi, ça ? » Au lieu de répondre, je questionnai à mon tour : « Que vois-tu ? – C’est pointu partout, répondit-il avant de poursuivre, je ne sais pas ce que c’est. Ça fait mal ! » Confirmer cette interprétation en dévoilant le titre de l’œuvre n’était plus que simple formalité, le principal était compris.

L’ouvrage « Mont-Valérien – Résistance, Répression et Mémoire » (1), dirigé par Mme Claire Cameron et publié à l’occasion de la rénovation du Mont-Valérien, propose un commentaire sobre et efficace : « Lacéré par les balles du peloton d’exécution, l’homme n’est plus qu’une matière sans visage et sans forme. De sa chair pitoyable se lève l’anathème contre l’oppression et la guerre. Parce qu’ils ont décidé de reprendre la lutte contre l’Occupant ou parce qu’ils sont livrés comme otages, nombre de Français et d’Étrangers sont fusillés par les Allemands entre 1940 et 1944 ».

Jacques Carcedo

(1) © 2008 Gourcuff Gradenigo – 8,rue des Lilas – 93189 Montreuil cedex – (19€)