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Notre association est née dès la libération du territoire national à la fin de l’année 1944.

Il s’agissait au sortir d’un conflit meurtrier de rassembler ceux qui avaient perdu un proche : conjoint, enfant, parent ….. Les besoins étaient énormes car il y avait de nombreuses familles sans ressources et les orphelins nécessitaient une aide importante. D’autre part, tout était à reconstruire et il fallait défendre les intérêts moraux de ceux qui avaient tout perdu. Participer à l’effort de reconstruction de la France cela passait aussi par la reconnaissance des besoins des survivants et par leur défense auprès des pouvoirs publics.

Sous la présidence de Mathilde Péri le travail s’organisa efficacement et les adhésions affluèrent. L’Association eut donc pendant de nombreuses années un rôle de solidarité morale et matérielle. Avec le temps les besoins se modifièrent. La solidarité matérielle devenait moins nécessaire et nous avons évolué petit à petit vers d’autres fonctions. Aujourd’hui nous sommes devenus une Association mémorielle.

Nous défendons les intérêts moraux des familles en intervenant dans tous les dossiers qui concernent les familles. C’est ainsi que nous avons défendu avec succès les orphelins qui avaient été oubliés dans le processus d’indemnisation. Nous continuons ce combat car tous les orphelins n’ont pas encore obtenus satisfaction. D’autre part nous sommes présents dans toutes les manifestations du souvenir qui honorent ceux qui sont tombés dans le combat contre le nazisme. Les manifestations où nous sommes présents sont trop nombreuses pour que nous puissions les citer. Toutefois il faut souligner que nous organisons nous-mêmes deux cérémonies.

Tous les ans au début du mois d’Octobre nous rendons hommage au fusillés enterrés au Cimetière Parisien d’Ivry et notre section de Bordeaux organise une cérémonie à la mémoire des Fusillés du Camp de Souge. Notre volonté est de faire en sorte que la mémoire ne disparaisse pas avec les derniers témoins directs. C’est pourquoi nous intervenons chaque fois que nous le pouvons dans les établissements pour expliquer ce qu’était réellement la Résistance. Il ne s’agit pas de regarder seulement vers le passé mais de montrer que les valeurs défendues par nos martyrs sont encore des valeurs d’actualité et que les mettre en valeur est une action positive. En particulier nous nous opposons à toutes les tentatives « révisionnistes ».

La liberté, la démocratie, le progrès social, la lutte contre tous les racismes ne sont pas des notions abstraites, elles sont le fondement de nos actions qui s’inscrivent dans un futur que nous voulons débarrassé de toutes les guerres. Nous estimons que c’est en menant ce combat que nous resterons fidèles à ceux qui sont tombés pour notre LIBERTE. Si vous souhaitez poursuivre nous ce travail de mémoire rejoignez nous. Nous vous accueillerons avec grand plaisir.


LA CRÉATION DE L’ASSOCIATION

C’est sous l’occupation, alors que la France était encore divisée en deux « zones » que les premiers liens de solidarité s’établirent entre les familles de Fusillés.

La plupart des Français engagés dans la lutte clandestine contre l’ennemi, qui avaient le malheur de tomber entre les griffes allemandes, étaient sommairement jugés, presque toujours condamnés à mort, sauvagement exécutés en un lieu discret et inhumés dans ce cimetière d’Ivry qui reste un émouvant témoignage de la Résistance Française et de la barbarie allemande.

C’est là que fut posée la première pierre de ce qui devait devenir la grande Association Nationale des Familles de Fusillés et Massacrés. A mesure que la lutte clandestine prenait plus d’ampleur, l’ennemi devenait plus impitoyable et, chaque semaine, les fosses que cyniquement ils faisaient préparer à l’avance devenaient plus nombreuses.

Les mêmes parents, les mêmes amis de disparus se retrouvaient là. La même douleur, la même haine, le même besoin de justice et de vengeance les unissaient et créèrent bien vite entre eux une confiance et une sympathie réconfortantes.

Pour un trop grand nombre, la misère matérielle s’ajoutait à la détresse morale.

Il y avait là de vieux parents, qui avec leur fils, pleuraient leur unique soutien. Il y avait des veuves qui se demandaient avec angoisse ce qu’elles donneraient demain à manger à leurs petits… Peu à peu, cependant, tous les problèmes purent être résolus.

On chercha des subsides pour les plus déshérités. On distribua les tracts qui disaient la vérité sur la guerre et déterminaient les hésitants à rejoindre les maquis et on procura, à ceux qui en avaient besoin, les cartes qui leur faisaient une identité nouvelle.

A la Libération, une seule ambition emplissait le cœur de tous ces malheureux : constituer légalement cette Association puissante, ouverte à toutes les familles qui dans la Résistance avaient perdu un ou plusieurs des leurs et tenir le serment qu’elles avaient si souvent répété devant leurs tombes : perpétrer à jamais leur souvenir et veiller à ce que leurs enfants puissent connaître le bonheur qu’ils auraient voulu leur donner.

Pour rallier tout le monde, de toute opinion politique et de toute confession, pour être unis dans le même souvenir comme ils ont été unis dans un idéal commun : l’amour de leur Patrie, nous avons demandé à une femme au grand cœur , veuve, elle aussi d’un grand patriote fusillé par les Allemands, de bien vouloir prendre notre tête. C’est ainsi que madame Gabriel Péri est devenue notre présidente.

Elle est aidée dans cette lourde tâche par un comité directeur composé de veuves et de parents de fusillés qui représentent toutes les opinions de la Résistance et toutes les classes de la société.


ANFFMRF-A : 70 ans de solidarité !

L’histoire de l’Association des Familles de Fusillés et Massacrés commence sous l’Occupation.

Des petits groupes de personnes se rencontrent à la porte des prisons, dans les cimetières et s’entraident.

À l’intérieur de l’Assistance Française, qui s’occupe des victimes de la répression et des familles de fusi lés, les Comités de veuves de fusillés se constituent et un bulletin spécial est publié : Châteaubriant. Chaque bulletin contient les nouvelles du moment, des appels, des témoignages et souvent publie le dernier message d’un fusillé. Un des premiers numéro parvenu jusqu’à nous est celui d’août 1944, qui fournit la transcription de la dernière lettre de Paul Camphin, fusillé le 1er novembre 1943 à Arras. Les Comités affichent tout de suite trois objectifs : le premier est celui d’aider concrètement les familles et surtout les enfants, avec des distributions d’argent, de vivres et de vêtements. Le deuxième est la reconnaissance du statut de veuves de fusillés et le versement d’une pension, demande qui est faite au Gouvernement provisoire de la République française, tandis que le troisième concerne la constitution d’archives sur les circonstances de l’arrestation et de la mort des fusillés. Ces archives ont aussi le but d’établir la responsabilité des acteurs de la répression.

À la Libération, les Familles des Fusillés participent aux premières commémorations. À Châteaubriant par exemple, ces cérémonies ont lieu dès octobre 1944. L’association devient nationale : l’Association Nationale des Familles de Fusillés et Massacrés (ANFFM) est déclarée légalement à la préfecture de police le 14 décembre 1944. Mathilde Péri, secretaire générale, Mmes Vignaubalous, Frot, Fischer, Halbwachs et M. Étienne Legros en sont les fondateurs. L’ANFFM est organisée en comités ou sections départementales ou locales.

Non seulement l’ANFFM continue son travail de mémoire, la poursuite des coupables et aide moralement et matériellement ses adhérents, mais elle les représente aussi auprès des pouvoirs publics – elle est notamment tutrice des orphelins. À cet effet, dès 1945, l’ANFFM met en place à Nantes, dans la propriété du Grand-Blottereau, une Maison de l’Enfance pour accueillir les orphelins dont les parents ont été fusillés, massacrés ou sont morts en déportation. Des enfants y resteront des années, d’autres y séjourneront pour quelques mois ou pendant les vacances d’été selon la disponibilité des mères ou des tuteurs. Dirigée par M. et Mme Choteau, la Maison fonctionnera jusqu’en 1961(1). Des Assemblées générales y seront tenues.

L’Association participe à des commémorations dans toute la France, elle en organise même certaines et prend part à des conférences au niveau international, comme celle organisée par la Fédération internationale des résistants en 1959 à Florence. Le travail de mémoire sur les victimes, les familles et les enfants se poursuit. Des questionnaires sont distribués, des témoignages recueillis, des listes de fusillés et massacrés établies au niveau local et national. Ce travail aboutira à la constitution de deux fichiers d’une importance considérable, l’un portant sur les fusillés, l’autre sur les familles, classés par départements. Toutefois, une partie de ce travail de documentation est perdu en novembre 1949 lorsqu’un incendie détruit les locaux de l’association, rue Pierre-Charron. L’association est alors hébergée au siège de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) au 10 rue Leroux dans le 16e arrondissement de Paris. L’Association décide ensuite de s’affilier à la FNDIRP, mais les deux associations restent distinctes, afin que chacune conserve son autonomie. Dans les années qui suivent, l’ANFFMRF élargit son champ d’action pour « entretenir le souvenir et le sens du combat des héros et martyrs de la Résistance contre toute résurgence du fascisme sous toutes ses formes et pour une société et un monde de liberté, de paix et de coopération » et s’ouvre à tous ceux qui font leurs les idéaux qu’elle anime. Elle protège son histoire : les archives de l’Association sont léguées au Musée de la Résistance nationale.

Vincent Verdèse (Musée de la Résistance nationale – Champigny)

(1) D’autres Maisons de l’Enfance ont existé, ont-elles été étudiées ?